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L’utilisation des SIG dans le domaine des risques

Ce chapitre sera consacré à la mobilisation des SIG dans le domaine du risque. Le risque est communément défini comme étant une vulnérabilité multipliée/associée à un aléa. L’aléa, comme l’explique F. Léone dans Aléas naturels et gestion des risques regroupe « les phénomènes naturels potentiellement destructeurs (une crue, un séisme…) et l’expression de ce potentiel sous la forme d’une probabilité ». Ce dernier devient un risque seulement lorsqu'il rencontre des enjeux humains (il s’agit donc de la vulnérabilité), (Veyret Y. & Reghezza-Zitt M., 2005). Les différents risques sont donc une grande préoccupation, ce qui fait que leur gestion est au cœur de nombreuses études. Ils restent cependant très difficiles à appréhender. Que l’on soit un élu, un agent de collectivité territoriale, une société privée (comme les assurances) ; nous cherchons tous à gérer le risque et même parfois le prévenir afin de l’éviter…

Le risque peut être classé en différentes catégories comme par exemple, le risque naturel. Celui-ci peut devenir une catastrophe quand les dégâts matériels et humains sont importants. II existe aussi le risque sanitaire, qui peut correspondre à une pandémie où une épidémie. La menace peut aussi être industrielle en cas d’explosion ou d’incendie. Pour résumer, le risque peut prendre différentes formes selon son contexte d’émergence et les éléments qu’il impacte. De plus, plusieurs phases de risque existent. En amont, il est souhaité d'éviter une catastrophe. Nous appelons ce travail la phase de prévention. Elle peut notamment passer par de la communication autour de ce risque afin de prévenir les populations concernées, évacuer un territoire quand il est nécessaire… Encore en amont de cette phase de prévention, des chercheurs veulent déterminer si cet aléa est potentiellement une menace. Dans ce chapitre, nous associerons cela à une phase « d’évaluation » du potentiel risque. Enfin, il y a une phase en aval, appelée phase d’analyse qui intervient post-crise. Elle peut notamment servir à évaluer les dégâts mais surtout à déterminer la vulnérabilité, afin de la réduire d’une manière qui soit la plus optimale possible.

Comme dit précédemment, la gestion du risque sera tout l’enjeu de ce chapitre. Il est très intéressant de le spatialiser et de le quantifier d’où l’utilisation d’un SIG. Un SIG est un Système d’Informations Géographiques qui permet de traiter toutes informations localisées. Son utilisation est tout à fait pertinente en matière de gestion de crise car elle permet notamment d’analyser les évènements passés mais aussi d’essayer de modéliser ce qui peut se produire. Les SIG permettent aussi la production de cartes qui peuvent être utiles à des fins de prévention ou bien de communication. Ainsi, les SIG sont des outils très puissants dans la gestion de risques. Cet écrit se consacrera, à travers différents exemples, à montrer comment élaborer un SIG efficace et permettant de répondre à différentes phases du risque (prévention, analyse post-crise, évaluation…). Pour chacune de ces phases, nous illustrerons nos propos avec un type de risque différent : le sanitaire, l’industriel et le risque naturel.

Ce chapitre a donc pour vocation d’éclairer les lecteurs sur les enjeux autour de la gestion de crise et du risque afin de les accompagner dans l’élaboration d’un SIG, mobilisable comme un outil de gestion.

  • Si vous aussi vous souhaitez élaborer votre propre SIG, nous mettrons à votre disposition à chaque fin de partie, des sources de données pour que vous reproduisiez nos études de cas afin que vous amélioriez vos compétences techniques en tant que (futurs ?) géomaticiens ! Pour réaliser ces études de cas, vous aurez besoin d’un ordinateur portable muni d’un logiciel SIG tel que QGIS (version libre) ou bien ArcGIS (version propriétaire soit payante).

1. Évaluation : exemple du risque sanitaire

Tout d’abord, nos propos se focaliseront sur le risque sanitaire. Défini par le gouvernement français comme étant « un risque immédiat ou à long terme représentant une menace directe pour la santé des populations nécessitant une réponse adaptée du système de santé ». Il est donc tout particulièrement intéressant et nécessaire de travailler sur ce risque qui peut prendre une ampleur mondiale comme nous l’avons vu récemment avec la crise du Covid-19.

Pour faire un point historique, une des premières cartes traitant d’un thème en lien avec la santé était la carte de John Snow de 1954 sur l’épidémie de choléra. Le but était de quantifier et localiser les personnes touchées par le choléra. Cette carte présente une première approche du risque car, par extrapolation de la carte, on peut distinguer des zones de « concentration » donc des zones à risque et des zones qui à vue d’œil semblent être soumise à un risque sanitaire moindre (sans présence d’individus malades).

Figure 1 : Décès dû l'épidémie de choléra, John Snow, 1855 (Source : Research Gate)

Pour cette partie, nous nous intéresserons à la phase « d’évaluation » d’un potentiel risque, afin de déterminer et même prouver sa significativité. Pour illustrer nos propos, notre étude de cas sera basée sur l’étude TESTIS portée le centre de recherche sur le cancer Léon Bérard. Cette étude cherche à comprendre les causes de la tumeur germinale du testicule. Une des hypothèses de travail du centre est l’usage des pesticides. En effet, l’usage de pesticides ou autres produits chimiques (aléa) peut avoir des conséquences sur les populations alentour mais aussi la qualité de l’espace alentour (vulnérabilité). Ces pesticides se diffusent notamment par les sols, les cours d’eau ou bien l’air. C’est là qu’intervient la géomatique : celle-ci permet d’identifier les parcelles agricoles dans le temps. De la même manière que la méthodologie de travail de l'étude TESTIS, il faut mobiliser des photographies aériennes ou des images satellites. Par photo-interprétation, il est possible de distinguer les zones agricoles. Il est très intéressant de s’intéresser aux parcelles à proximité des habitations car ce sont celles qui sont les plus proches de ce (potentiel) risque. Pour évaluer l’impact de ces pesticides, il est nécessaire de faire une analyse dans le temps, à différentes dates : c’est ce qu’on appelle une analyse diachronique. Elle permet ainsi de constater l’évolution des parcelles (en termes de surfaces, de plantations…) et ainsi de la population exposée (c’est le centre Léon Bérard qui s’occupe de prélever et analyser les échantillons au sein de la population). En effet, si le risque s’avère être réel, plus les surfaces agricoles augmentent plus les populations devraient être touchées. Une fois les résultats produits, il est possible de voir s’il y a une corrélation entre l’usage des pesticides et la tumeur germinale du testicule. Les résultats de cette étude n’ont pas encore été publiés car les données semblent encore être en cours d’analyse, selon l'Unité U1296.

Il existe bien évidemment de nombreuses méthodes pour déterminer l’évolution de l’occupation et de l’usage des sols : le domaine de la télédétection avec l’usage de classifications, utiliser des données déjà produites… Nous avons présenté ici la méthode mobilisée par l’étude TESTIS.

  • Envie de faire comme le volet géomatique de l’étude TESTIS en distinguant l’évolution des parcelles agricoles ? Vous pouvez télécharger des données de photographies aériennes sur le site « Remonter le temps » de l’IGN. Vous développerez des compétences en géoréférencement d’images, en photo-interprétation, en digitalisation d’objets et en calculs statistiques de surfaces.

Nous avons ainsi vu le rôle majeur des SIG dans l’évaluation d’un risque, notamment grâce à l’étude TESTIS. Cependant, toutes les phases de risque sanitaire peuvent être analysées. Il y a par exemple l’étude Cartotique retraçant les zones favorables au développement de la tique Ixodes ricinus, agent porteur de la maladie de Lyme, dangereuse pour l’Homme ; afin de prévenir du risque de contamination. Ou bien encore, nous retrouvons les cartographies réalisées lors de la période du Covid-19.

2. Prévention : exemple du risque industriel

Nous allons à présent développer les aspects concernant le risque industriel. Il est « lié à un événement accidentel mettant en jeu des produits ou des procédés dangereux employés au sein d'un site industriel. Il peut entraîner des conséquences immédiates graves pour les personnels, les riverains, les biens ou l'environnement. » d’après le gouvernement français.

Dans une optique de prévention, il est possible de vouloir évaluer l’espace géographique qui peut être impacté. Prenons un exemple extrême : le cas d’une explosion (on parlerait donc de catastrophe). Les SIG permettent de modéliser les différentes zones d’impact notamment à partir de zones tampons. Dans ces zones délimitées, il est alors possible d’évaluer les potentielles pertes humaines et dégâts matériels. De plus, il est possible de prendre d’autres paramètres en compte comme la qualité du bâti, la présence ou non de plans d’évacuation, le nombre d’individus présents mais aussi de nombreux autres facteurs notamment naturels. Dans le cas où de nombreuses marques de vulnérabilité (ou de risque !) sont recensées, il est possible de procéder à une analyse multicritère. Une analyse multicritère combine plusieurs facteurs entre eux à partir de pondération, afin de distinguer d’un point de vue spatial, les zones qui pourraient être, ici dans cet exemple, les zones les plus soumises au risque industriel.

Pour notre étude de cas, nous nous intéresserons à la raffinerie de Feyzin qui a déjà explosé en janvier 1966 provoquant 11 morts et 84 blessées. Dans un but préventif et afin de ne pas réitérer la catastrophe de 1966, de nombreuses cartes ont été réalisées afin de sensibiliser les élus aux risques industriels présents dans la vallée du Rhône mais aussi pour informer les populations. Pour ce faire, un outil fondamental dans la gestion des risques industriels appelé le PPRT (Plan de Prévention des Risques Technologiques) a notamment été mis en place. Il permet de réduire le risque à sa source mais aussi d’avoir une action sur les documents d’urbanisme : ils sont opposables aux PLU (Plan Local d’Urbanisme) et peuvent aller jusqu’à l’expropriation de terres jugées à risques (DONZE J., 2005).

Les cartes de prévention quant à une plausible explosion de la raffinerie de Feyzin ont notamment servi à alimenter ce type de documents réglementaires. Cette carte montre progressivement l’impact qu’aurait une explosion avec, en S1, des effets mortels sur les personnes et destructif sur les bâtiments. En S4, les blessures ne seraient pas irrémédiables et les bris de glace iraient jusqu’à 50%.

Figure 2 : Modélisation des zones à risques dans la commune de Feyzin (Source : Géonconfluences)

  • Envie de modéliser les zones exposées au risque industriel autour de la raffinerie de Feyzin ? Téléchargez des données relatives aux éléments bâtis (bâtiments, autoroute (A7) avec la BD Topo de l’IGN. Si vous voulez des données sur la population : vous retrouverez des tableaux statistiques (besoin de faire une jointure attributaire) ou les des carreaux de population qui indiquent le nombre d’habitants sur un carré de 200 mètres de côté sur le site de l’INSEE. Si vous vous mettez « en mise en situation » et qu’il est donc nécessaire d’apporter des cartes comme instrument de travail pour alimenter le PPRT, vous travaillerez votre mise en page de carte.

3. Analyse : exemple du risque naturel et des catastrophes

Finalement, afin d’évaluer l’impact du risque (ce que nous avons appelés « phase d’analyse » en introduction), nous parlerons des risques naturels c’est-à-dire ceux qui « recouvrent l’ensemble des menaces que certains phénomènes et aléas naturels pesant sur des populations, des ouvrages et des équipements » (Gouvernement français, date inconnue). Ils peuvent prendre différentes formes comme les inondations, les avalanches, les éruptions volcaniques, les mouvements de terrains, les feux pour n’en citer que certain. Lorsque les impacts sont majeurs, on parle alors de catastrophe naturelle. Ici, nous nous intéresserons à l’ouragan Katrina qui a touché la côte Est des États-Unis le 29 août 2005. De nombreuses villes ont été inondées notamment celle de New-Orléans. Le nombre de victimes s'élève à 1 800. (DAUPHINÉ A., 2013).

Le rôle de la géomatique, ici, peut notamment être d’évaluer l’impact des inondations. À partir d’une couche digitalisée reprenant l’emprise spatiale des inondations, il est possible, à partir de géotraitements d’évaluer les dégâts humains et matériels. À condition, bien sûr d’avoir des données statistiques sur la population et les éléments matériels du territoire. Le cas échéant, il reste possible d’estimer les surfaces impactées par le risque naturel. Les géotraitements sont des méthodes de traitements spatiaux mises en œuvre dans les logiciels SIG permettant de transformer les jeux de données géographiques pour en créer des nouveaux. Il en existe plusieurs tels que : le découpage pour extraire une zone d’intérêt, l’intersection permet de « découper » chacune des entités entre elles. Pour cette étude, cet outil est particulièrement intéressant pour connaître la surface inondée d’une ville par exemple. Parmi les autres géotraitements, on retrouve les zones tampons (pour créer une zone d’une distance D autour d’une zone d’intérêt), la fusion (regroupement), l’union, la différence…

Comme mentionné précédemment, il est intéressant d’évaluer les dégâts humains et matériels. Pour cela, il est nécessaire de posséder des informations statistiques relatives à la population et de les implémenter dans notre SIG. Pour ce faire, il faut notamment passer par des jointures attributaires mais aussi des calculs statistiques. Les SIG ont alors démontré que la population la plus impactée par le passage de Katrina était la population Afro-Américaine. En effet, à la New Orléans, le centre concentre les habitants les plus pauvres, ce qui correspond en grande majorité au groupe Afro-Américains et regroupe donc des emplois moins qualifiés et ainsi moins rémunérés. Les populations blanches sont parties vivre dans la périphérie suite au blockbusting (volet d’action des agences immobilières qui jouait sur la peur « raciale ») et occupent des postes mieux rémunérés les rendant alors moins vulnérables. Ils peuvent avoir à leur disposition une voiture ce qui leur permet d’évacuer la Louisiane. Le tableau suivant démontre l’apport des SIG dans l’étude des risques en exposant les types de populations les plus affectées. Ainsi, la géomatique couplée aux sciences sociales a permis de conclure que les populations les plus touchées ont donc été les plus pauvres, les plus âgés et les moins mobiles.

Figure 3 : Tableau des populations touchées par Katrina dans la paroisse de New Orléans, Louisiane, en 2005 (Source : Étude à l’aide d’un SIG de J. Laufrais et J. Seassal avec données Esri2010 et US Census, 2021)

  • Envie d’évaluer l’impact du passage de Katrina ? Vous trouverez des données relatives à la population et son ethnie sur le site US CENSUS extraites du recensement états-unien. Pour avoir le bon découpage administratif correspondant au recensement, les unités de recensement sont à télécharger sur le site d’ESRI. Les données sur le passage de Katrina et les zones que celle-ci a inondées sont aussi sur le serveur d’ESRI. Vous développerez vos compétences en termes de jointures, calculs et requêtes attributaires mais aussi de géotraitements.

Conclusion générale

Ainsi, nous avons constaté le rôle pivot qu’avait la géomatique dans l’étude des risques. Couplée à d’autres sciences (épidémiologie, sociologie, ingénierie…), elle permet d’évaluer différentes phases du risque : la phase d’étude pour déterminer et prouver l’existence d’un risque, la phase préventive, mais aussi la phase d’analyse (post-risque). Selon le type de risque et la phase que l’on souhaite traiter, différentes méthodes sont mobilisées. Nous avons dans ce chapitre parcouru une liste non exhaustive de ces méthodes car il nous serait impossible de toutes les retranscrire. En effet, la chaine de traitement change selon le besoin, la zone d’étude, le géomaticien qui pratique… L’idée était ici de montrer la diversité des méthodes et des conclusions qu’il était possible de tirer quant à la gestion des risques, afin de faire émerger une esquisse de la globalité des méthodes disponibles.

Chaque exemple d’application explicité peut être utilisé pour un autre type de risque que l’exemple dans lequel il figure. Il faut retenir que la géomatique possède une grande variété de technique permettant de répondre à une problématique donnée. Parfois, certains sont plus pertinents dans un certain contexte et moins dans un autre. La géomatique et les SIG sont alors un outil majeur pour la gestion des risques. Les menaces sont multiples et prennent différentes formes : cette diversité des situations est dont très intéressante pour nous géomaticiens : les opportunités de ce domaine sont nombreuses.

Jade LAUFRAIS, M1 GÉONUM - 2023

Bibliographie

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BORDIN P., 2002, « Chapitre 8 : Trois exemples de domaines d’application », SIG concepts, outils et données, 260 p.

DAUPHINÉ A & PROVITOLO D., 2013, Risques et catastrophes : Observer, spatialiser, comprendre, gérer, Paris : Armand Colin.

DONZE J., 2005, « Risques et sociétés – Les bassins du risque industriel : l’exemple de la Vallée du Rhône », Géoconfluences

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LEONE F., MESCHINET DE RICHEMOND N., VINET F., 2010, Aléas naturels et gestion des risques, PUF, coll. Licence Géographie, Paris, 288 p

LÉONE F & VINET F., Gérer les risques naturels : pratiques et outils, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, DL 2017, Géorisques ; n°7, issn 1956-4252

MILENKOVIC M. & DALIBOR K., 2016, Using GIS in emergency management, International Scientific Conference on ICT and E-Buisinnes Related Reserch

VEYRET Y., REGHEZZA M., 2005, « Aléas et risques dans l’analyse géographique », Annales des mines, p. 61-89

ZANIENTTI J-M., 2007, « Dynamiques urbaines de la Nouvelle-Orléans avant Katrina : étalement urbain et ségrégation racial », Annales de géographie, n0654, p. 188-209

Le projet TESTIS : https://www.radiobiologie.fr/projets/le-projet-testis

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