Philosophie Education - Philippe Foray

Philippe FORAYLa philosophie : une forme de vie qui me convient !

Auteur d’un ouvrage sur la laïcité qui sortira prochainement dans la collection « le goût du savoir », publications de l’Université Jean Monnet, Philippe Foray nous en dit plus sur ce qu’est la philosophie de l’éducation et sur son parcours.

La philosophie… une discipline plus difficile à définir que d’autres ? Dans l’antiquité, c’était une sagesse. Aujourd’hui, sagesse et travail académique sont souvent disjoints.  « Il est vrai qu’on n’a pas besoin d’être un grand philosophe au sens académique du terme pour être philosophe dans la vie » affirme Philippe Foray. Mais la philosophie académique peut devenir aussi une « forme de vie ».

Préparant un baccalauréat scientifique, Philippe Foray est en réalité un littéraire. Il lit énormément et est curieux intellectuellement. Par le biais d’échanges culturels et linguistiques en Allemagne à l’adolescence, la culture allemande est présente dans sa vie. C’est justement, en voyant un de ses amis allemands lire les « grands philosophes » qu’il se pique de curiosité pour cette discipline qu’il va pouvoir approfondir durant l’année de Terminale.

S’il n’en tenait qu’à lui, il s’orienterait directement sur des études de philosophie. Mais, pas facile de convaincre ses parents que ce choix est le bon pour sa vie future. Un arrangement est donc trouvé : il fera ses études de philosophie en parallèle avec l’Institut d’Etudes Politiques (IEP).

Diplômé de l’IEP, il poursuit ses études en philosophie à la Sorbonne avec un parcours très universitaire. Après une maîtrise sur Platon (philosophe de l’antiquité), il obtient son agrégation et poursuit en DEA sur Spinoza (XVIIème siècle). Sa passion pour la philosophie est aussi accrue par l’influence de certains professeurs : « certains enseignants vous mettent au travail » affirme-t-il.
Le choix de faire une thèse sur Kant, philosophe du XVIIIème siècle et référence en philosophie morale, lui permet de poursuivre son évolution, se former philosophiquement, pour devenir enseignant-chercheur.

A partir de 1985, année où il est nommé à l’Ecole Normale d’Instituteurs, il s’intéresse à l’éducation. Sa rencontre avec Dominique Glasman, enseignant-chercheur à l’Université Jean Monnet, lui permet ainsi d’obtenir un poste d’ATER (Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche) en philosophie de l’éducation en 1994 à l’UJM.

Si l’on attendait alors d’un philosophe de l’éducation qu’il travaille sur la didactique ou sur la manière d’aborder l’apprentissage, Philippe Foray choisit de s’orienter sur la philosophie politique de l’éducation en traitant des sujets comme la laïcité, l’autonomie ou l’autorité. Un travail de réflexion qui prend du temps, le temps par exemple d’y voir clair sur ces concepts difficiles.

Ses premiers travaux sur la laïcité ont commencé au moment de la polémique sur le port du voile dès 1989. Lorsqu’en 2008, il sort son livre sur la laïcité scolaire, il est assez précurseur car peu d’ouvrages ont été écrits sur le port des signes religieux. Cette question de la laïcité a passionné le public, les politiques, les intellectuels : autant de convictions différentes qui, pour la plupart, avaient de bonnes raisons à faire valoir. Le regard du philosophe de l’éducation a été de montrer ces arguments ainsi que le clivage entre une laïcité républicaine et une laïcité libérale.

« De 2008 à aujourd’hui, j’ai un regard différent sur le sujet » confie Philippe Foray. « Une maturation liée à l’environnement – la découverte d’un ensemble de questions et de situations peu ou mal couvertes par le droit de la laïcité – et une maturation intérieure…».

Quand on lui demande les qualités et les défauts d’un philosophe, Philippe Foray se met à rire. « Il faut aimer la lecture ». La lecture des philosophes bien sûr, mais la philosophie ne produisant pas elle-même de connaissances, il faut aussi s’appuyer sur les autres disciplines pour faire avancer ses idées » (histoire, sociologie, psychologie, etc.). « Contrairement à d’autres disciplines scientifiques, la philosophie permet de voir les choses de plus loin et donc peut-être d’en voir plus » explique-t-il.  Mais certains philosophes « ont parfois le défaut de se penser facilement propriétaires de la vérité ». Contre ce risque, un philosophe doit s’appuyer sur sa propre expérience de vie et utiliser les ressources de la pensée rationnelle : argumentation, conceptualisation et discussion.

Convaincu du fait que chacun a cette capacité à réfléchir, à philosopher à sa façon, il est également bien conscient que l’être humain est facilement influençable et manipulable.

Une chose est sûre, dans sa vie, Philippe Foray est un passionné. Une culture de l’effort transmise dans son enfance, qu’il a appliquée dans sa vie professionnelle, mais également dans sa vie privée.
25 ans de pratique du karaté ! On ne s’étonne pas qu’il ait hésité à être professeur d’Education physique et sportive à une certaine époque.

Il a bien failli également prendre le chemin de la scène et devenir musicien professionnel à la fin du lycée. S’il n’a pas franchi le pas, il a continué à jouer du piano et participe depuis plusieurs années au Fest’U (Festival universitaire) en tant que pianiste !

Est-ce l’amour de la sagesse, signification littérale du terme philosophie, qui permet à Philippe Foray de continuer à se questionner sur la philosophie politique de l’éducation ? Sûrement oui ; mais également son expérience de vie : ses passions, son goût pour la culture allemande, ses études en sciences politiques, ses lectures et ses rencontres intellectuelles.

Et nous ne sommes finalement pas étonnés d’apprendre que s’il pouvait rencontrer et échanger avec un grand ou une grande philosophe, il choisirait sans aucune hésitation une philosophe allemande, politologue et journaliste spécialiste de l’activité politique et du totalitarisme : Hannah Arendt.

Publié le 6 juin 2019