Publication : Reconnaitre un bébé par ses pleurs

Reconnaître un bébé par ses pleurs : seule l’expérience et le temps passé avec le bébé comptent !Publication

Les scientifiques ont récemment démontré que les pères comme les mères peuvent identifier leur bébé à partir de ses pleurs. Dans cette nouvelle étude, des chercheurs et chercheuses de l'ENES/CRNL1 et du SNA/EPIS2 de l'Université Jean Monnet Saint-Étienne montrent que cette aptitude est non seulement indépendante du sexe mais aussi du statut parental. La capacité à reconnaître un bébé par ses pleurs est ainsi largement partagée par tous et toutes, parents comme non parents. Les seuls facteurs qui modulent notre performance à reconnaître un bébé sont le temps que nous passons avec lui et notre habitude des bébés. Cette aptitude commune aux parents et aux non-parents pourrait faciliter notre disposition à coopérer pour s’occuper des bébés. Ces résultats sont publiés ce jour dans la revue Proceedings of the Royal Society of London B.

Se familiariser avec les pleurs du bébé dont on s’occupe améliore la relation que l’on développe avec lui et la capacité à répondre efficacement à ses sollicitations. En effet, une connaissance fine des pleurs d’un bébé permet de mieux interpréter son état émotionnel, son degré de souffrance ou de faim et donc de lui prodiguer en retour l’attention la plus adaptée. Dans cette étude, les scientifiques ont exploré la mise en place de la reconnaissance vocale du nourrisson chez des mères après la naissance à la maternité, et chez des adultes femmes et hommes sans enfant lors d’expériences au laboratoire.


A la maternité, les pleurs des nourrissons étaient enregistrés lors de leurs bains, depuis la naissance jusqu’à l’âge de trois jours. Lors d’un test d’écoute avec un casque Hi-Fi, les mères entendaient trente pleurs provenant de cinq bébés différents, dont six pleurs seulement de leur propre bébé. Pour chaque pleur, les mères devaient dire s’il s’agissait de leur bébé ou d’un autre enfant. Dès le premier jour les vingt-quatre mères interrogées atteignirent le score de 40% de reconnaissance tandis qu’une réponse au hasard aurait donné un résultat de 20% seulement. Au troisième jour après la naissance, elles identifièrent leur propre bébé dans 80% des cas. Les mères ayant le plus de succès au test étaient celles ayant déjà eu des enfants. La reconnaissance du bébé par ses pleurs se met donc en place très rapidement après la naissance, et est plus efficace si la mère est déjà expérimentée.


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Dans des expériences au laboratoire, de jeunes femmes et hommes sans enfant écoutaient une à six séquences de pleurs d’un bébé présenté comme le leur (phase d’entrainement). Quelques heures après, durant une phase de test, elles et ils devaient tenter de reconnaître ce bébé parmi trente pleurs dont 24 provenaient d’autre bébés. La tâche était difficile car les pleurs de « leur » bébé présentés lors du test étaient des enregistrements différents de ceux utilisés lors de la phase d’entrainement. Les résultats montrent qu’une faible exposition aux pleurs d’un bébé est suffisante pour permettre sa reconnaissance. En effet, les adultes ayant entendu un seul pleur de « leur » bébé durant l’entraînement reconnaissaient déjà les pleurs de ce bébé plus efficacement que s’ils avaient répondu au hasard. L’écoute de six pleurs à l’entrainement assuraient une reconnaissance très efficace lors du test.

« Nos expériences montrent que ni le sexe, ni le statut parental n’affectent notre capacité à reconnaître un bébé par sa voix. » affirme Nicolas Mathevon, responsable de l’équipe de Neuro-Ethologie Sensorielle (ENES) du Centre de Recherche en Neurosciences de l’université de Lyon / Saint-Etienne, « Le paramètre clé est le temps passé auprès du bébé. Notre expérience auditive de sa personne en quelque sorte. ».
Cependant, de la même manière que les mères, les personnes réussissant le mieux à reconnaître « leur » bébé étaient celles qui s’étaient déjà occupé d’un bébé par le passé. « Nos résultats confirment nos capacités à apprendre à reconnaître des personnes par la voix. Plus généralement, l’espèce humaine est probablement très douée pour capturer des signatures auditives dans son environnement, ce qui lui confère des avantages bien au-delà de la relation parent-bébé. » suggère David Reby, professeur IDEXLyon Fellow à l’ENES.

« Cette étude est une démonstration qu’une collaboration entre des scientifiques bioacousticien·es et des médecins spécialistes des bébés peut s’avérer très fructueuse », se félicite Hugues Patural, professeur dans l’équipe de recherche SNA-EPIS de l’université Jean Monnet Saint-Étienne et responsable du pôle néonatalogie au CHU de Saint-Etienne. « Notre préoccupation quotidienne est d’améliorer constamment notre manière d’appréhender les relations entre les bébés et les personnes qui s’occupent d’eux, les parents bien sûr mais aussi les équipes soignantes. En faisant progresser notre compréhension de la parentalité, nous pouvons apporter des informations importantes à tous et toutes. ».

(1) ENES : Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (UJM/CNRS/INSERM/Lyon 1)
(2) SNA-EPIS : Université Jean Monnet

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Références :

Baby cry recognition is independent of motherhood but improved by experience and exposure. Bouchet H, Plat A, Levréro F, Reby D, Patural H, Mathevon N, 2020. Proceedings of the Royal Society of London B 20192499.

Voir aussi ces études:
- Gustafsson E, Levréro F, Reby D, Mathevon N, 2013. Fathers are just as good as mothers at recognizing the cries of their baby. Nature Communications 4, 1698.
- Koutseff A, Reby D, Martin O, Levréro F, Patural H, Mathevon N, 2018. The acoustic space of pain: cries as indicators of distress recovering dynamics in pre-verbal infants. Bioacoustics 27, 313-325.

Publié le 19 février 2020