RENCONTREElections universitaires : rencontre avec Florent Pigeon, Président de l’Université
Suite aux élections pour le renouvellement des conseils centraux de l’Université les 28 et 29 avril dernier, Florent Pigeon a été élu président lors du conseil d’administration qui s’est tenu le 20 mai 2021, pour un mandat de 4 ans. Pour l’accompagner dans ses nouvelles fonctions, il a désigné une nouvelle équipe, représentative de l’ensemble de l’établissement afin de porter son projet pour l’Université. Florent Pigeon revient ainsi avec nous sur les grands axes de son plan de mandat 2021-2025, les projets de son équipe, et sa vision de l’Université Jean Monnet Saint-Étienne.
Florent Pigeon, vous avez été élu président de l’UJM le jeudi 20 mai 2021, pouvez-vous nous en dire plus sur la constitution de votre équipe et votre nouveau projet ?
Ce qui caractérise cette équipe, au-delà du fait que nous avons respecté la parité hommes-femmes qui est importante, c’est le fait qu’elle rassemble des hommes et des femmes qui ont des parcours riches sur le plan universitaire, qui ont déjà permis d’accompagner un certain nombre de réalisations dans l’établissement et qui sont motivés et disponibles. L’autre élément qui a présidé au choix de la composition de l’équipe était de réunir à la fois des collègues très aguerris d’expériences et d’autres qui en ont un petit peu moins. J’ai souhaité favoriser l’émergence d’une nouvelle génération d’acteurs et d’actrices au sein de celle-ci. Cela me parait important de laisser la possibilité à de nouveaux collègues de prendre un certain nombre de responsabilités dans le projet que nous devons conduire durant les 4 années qui viennent.
Cette constitution de l’équipe présidentielle a été réalisée au moment même de mon acte de candidature, afin de pouvoir travailler en équipe pour formuler notre projet, que j’ai, par la suite, eu l’occasion de présenter aux administrateurs.
Ce projet s’articule autour de plusieurs axes. Quelle est votre vision de la nouvelle politique de site ?
C’est celle d’une Université ouverte à une nouvelle politique de site dans le respect de son identité et de sa personnalité morale et juridique. Nous souhaitons rester des acteurs de la politique de site Lyon Saint-Étienne et continuer à travailler avec l’ensemble des acteurs universitaires sur le territoire lyonnais et stéphanois. Le deuxième élément qui caractérise la politique que l’on veut mettre en place sur ce premier axe c’est d’accepter de travailler sur le temps long. Nous avons besoin aujourd’hui de quitter cette agitation permanente pour reconstruire une politique scientifique sur le long terme.
L’étudiant apparait au centre du projet porté par la nouvelle équipe présidentielle ?
Oui. Nous avons la responsabilité de « construire une Université qui fait plus et mieux pour ses étudiants » par des actions concrètes. Nous plaçons les étudiants au cœur de nos préoccupations, de nos politiques et de nos actions. Les exemples sont très nombreux mais l’orientation sera un point primordial dans notre projet. Nous avons la volonté d’être plus près des lycées, pour aider les futurs étudiants à choisir leur orientation, en participant à des forums, des séminaires, des réunions d’orientation.
La question de la promotion du bien-être étudiant comme facteur de réussite est un point important et cette mission est confiée à Alexandra Leyrit, vice-présidente déléguée « réussite et qualité de vie des étudiants ». Aujourd’hui les précarités, la santé, peuvent poser des problèmes majeurs dans le déroulement des études à l’Université. Nous voulons donc être présents sur ce sujet en prenant des décisions fortes pour améliorer le suivi sanitaire et social de nos étudiants. Autre exemple d’action en faveur des étudiants : l’accès au numérique. On a vu qu’avec la crise de la COVID19, la question de l’accès au numérique est devenue centrale, et elle va le rester. Aujourd’hui, le numérique est complétement intégré dans nos approches pédagogiques et un étudiant ou une étudiante qui n’a pas accès dans de bonnes conditions à ces outils se voit fortement pénalisé. En concertation avec les élus étudiants nous proposerons de mobiliser le fond d’aide à la vie étudiante (la Contribution de vie étudiante et de campus - CVEC), pour aider celles et ceux qui n’ont pas les moyens d’avoir accès à des outils numériques. Nous avons aussi ciblé d’autres actions comme la mise en place d’un parlement étudiant pour améliorer la démocratie universitaire, afin de permettre aux étudiants de se réunir et de prendre position sur un certain nombre de sujets avec la légitimité d’un parlement qui réunit tous les élus des conseils centraux de l’établissement.
Le projet de mandat est également marqué par une volonté de transformation…
Oui, mais avec pour lignes directrices l’intérêt des étudiants, de nos équipes de recherche et la concertation, indispensable lorsqu’on prétend mener des projets de transformation. Nous avons besoin de faire évoluer l’établissement parce qu’il y a des projets scientifiques, de formation qui voient le jour. Nous aurons donc l’occasion de mettre en œuvre des recompositions, des réorganisations de composantes avec notamment le projet roannais, autour de l’IUT de Roanne visant à faire de celui-ci un IUT remodelé qui intègre et regroupe de nouvelles formations. Mais aussi l’école d’économie qui est une école que l’on veut créer dans l’année qui vient. On pense aussi au nouveau projet de l’Institut d'Administration des Entreprises, au projet ARTS, etc.
Il faut maintenir le caractère pluridisciplinaire de l’établissement et veiller à ce que l’ensemble des disciplines puissent se développer et continuer à accroitre leur rayonnement. Nous souhaitons offrir des parcours de formation dans tous les grands secteurs universitaires avec des spécificités stéphanoises, des caractéristiques qui nous seront propres. Je crois qu’il est temps que la communauté universitaire stéphanoise prenne conscience de ses forces. Dans le monde universitaire stéphanois nous avons tendance à souvent pointer nos faiblesses mais il faut aussi qu’on soit très fiers de nos taux de réussite en licence, en master. Nous avons des taux d’insertion professionnelle qui sont largement au-dessus de la moyenne nationale. Nous devons en être fiers et le porter collectivement. Et il faut que cela se sache car nous remplissons une mission de service public essentielle. Un jeune qui entre chez nous et qui est diplômé de l’Université a plus de chances qu’ailleurs de trouver un travail, d’accéder à son autonomie financière, de s’émanciper et ce sont des éléments majeurs aujourd’hui pour la jeunesse.
Également, la démocratie doit rester une priorité, il faut que l’on reprenne l’habitude de débattre en conseil d’administration, d’être transparent, de faire part de nos hésitations, nos doutes. Il faut que l’on retrouve cet esprit universitaire, cette capacité à mettre en débat les sujets et à faire le choix que la décision collective est forcément la meilleure.
Concernant la recherche, le projet de mandat est à la fois ambitieux et très porté vers la promotion d’une science ouverte sur la société et les questions d’intégrité…
Les périodes que nous traversons sont riches en enseignement sur les dérives possibles. Je suis d’une génération qui a assisté à un déni de la problématique climatique. Plus récemment, en plein cœur de la crise sanitaire, nous avons assisté à des remises en cause de l’approche scientifique, à des débats sans fondements scientifiques, des remises en cause graves de l’éthique universitaire. L’intégrité scientifique est sans doute notre bien le plus précieux. Il en va de notre crédibilité dans la société, auprès de nos étudiants, nos partenaires. Dans une société où l’immédiateté de certains médias et des réseaux sociaux peut générer des effets « toxiques », où l’information est paradoxalement de plus en plus compliquée à obtenir, il faut que l’Université reste « un phare ». Nous allons donc multiplier les actions de médiation scientifique. Parallèlement, nous mettrons en place une mission de vigilance et de prévention sur la question de l’intégrité scientifique pour l’ensemble des personnes impliquées dans la recherche et les étudiants au cours de leur formation initiale. Nous avons déjà mis en place une commission de déontologie, indépendante de la mission d’intégrité scientifique. Nous souhaitons enfin devenir des acteurs de la « science ouverte » et que ce principe fasse partie intégrante de la politique de l’établissement. Nous voulons développer l’accès aux publications, dans le respect des spécificités disciplinaires, que l’ensemble de nos publications soient le plus possible accessible à la communauté internationale. Nous souhaitons aussi, si possible, donner accès aux données de la recherche pour permettre cette émulation internationale et faire vivre ce principe universitaire. Nous continuerons à soutenir nos laboratoires de recherche, toutes disciplines confondues, avec différentes actions que nous dévoilerons rapidement, notamment, pour les accompagner et simplifier la recherche au quotidien.
Sur l’état d’esprit que l’équipe présidentielle souhaite cultiver durant ce mandat, les qualificatifs de « responsable » et « humaine » reviennent régulièrement…
Humaine parce que notre taille nous autorise des interactions régulières avec l’ensemble des acteurs de l’UJM. Nous essayons de répondre aujourd’hui à l’ensemble des sollicitations, ce qui demande une très forte mobilisation de notre part. Mais c’est, je crois, ce qui caractérise notre établissement. Un collègue qui veut rencontrer un membre de l’équipe présidentielle, doit pouvoir le faire, c’est un principe fondamental. Comme dit précédemment, la santé étudiante est au cœur de nos préoccupations, nous ferons ainsi des propositions concrètes dans les semaines qui viennent pour permettre de faire la promotion de la santé mais surtout développer la qualité de vie étudiante.
Une université responsable et humaine c’est aussi une université qui prend ses responsabilités et qui considère que toutes les formes de discriminations et de harcèlement n’ont plus leur place à l’université. Nous avons mis en place une vice-présidence responsabilité sociétale de l’établissement dont Julie Boyer-Dumont est en charge, et son objectif sera de lutter contre toutes les discriminations et violences. Nous nous engageons à ce qu’aucune violence ne reste sans réponse. L’Université doit être pionnière sur ces questions.
Avec les organisations syndicales, nous allons continuer à faire progresser la qualité de vie au travail. Les organisations syndicales resteront, pour nous, une porte d’entrée extrêmement importante pour le dialogue social.
Et puis il y a la question du développement durable, dans les faits, pas dans le discours : quels choix stratégiques devons-nous faire pour prendre notre part de responsabilité quant à la lutte contre le réchauffement climatique ? Nous proposerons un certain nombre de choix, d’orientations qui visent à limiter nos déplacements inutiles notamment, et nous prendrons aussi des décisions audacieuses dans nos politiques d’achat. Nous devrons faire des choix et la question financière ne peut pas être le seul critère qui guide ces choix.
Enfin notre projet est aussi celui d’une « université que l’on souhaite ouverte », du local à l’international. Avec, entre autres, la problématique de l’accueil des étudiants étrangers. Nous ne sommes pas favorables au droit d’inscription qui pénaliserait les étudiants extra-communautaires. Nous pensons que l’Université en France, à Saint-Étienne, a un rôle majeur à jouer pour faire vivre l’espace francophone. Nous souhaitons continuer à accueillir ses étudiants, venant de pays en dehors notamment de la zone euro.
Nous souhaitons avoir la possibilité d’intensifier aussi nos relations avec le monde social et économique, avec le monde de l’entreprise. C’est l’une des missions de la Fondation de l’Université Jean Monnet dans laquelle nous allons aussi nous impliquer. La Fondation est un véritable creuset pour forger des relations entre les entreprises et l’Université. Nous allons nous impliquer au côté de ses acteurs pour faire vivre cette Fondation.
Et sur ces problématiques de rayonnement international de l’établissement, nous nous efforcerons d’accompagner les initiatives de terrain.
En savoir plus sur la composition de la nouvelle équipe présidentielle
Quelle est la nouvelle trajectoire de l’UJM après la fin du label IDEX Lyon pour le site Lyon Saint-Étienne ?
Nous continuons à être favorable à une politique d’excellence et souhaitons continuer à accroitre nos coopérations scientifiques avec l’ensemble des acteurs universitaires qu’ils soient à Saint-Étienne, à Lyon ou ailleurs sans repartir pour autant sur une logique de fusion. Nous souhaitons mettre le projet scientifique et académique au cœur des discussions avec les autres établissements. Il faut redonner la parole à nos collègues universitaires dans leurs laboratoires, leurs composantes pour participer à l’émergence de nouveaux projets scientifiques et pédagogiques.
Comment envisagez-vous les collaborations avec les différents partenaires du territoire ?
J’envisage une interaction la plus régulière possible avec l’ensemble des acteurs qui composent le territoire. Nous avons tant à faire ensemble ! La relation entre notre établissement et son territoire est une relation qui n’est pas anecdotique, qui est importante. Le territoire tient à son Université et l’Université se sent bien sur son territoire. Cela signifie que le président doit forcément entretenir des relations construites et régulières avec l’ensemble des acteurs, quels qu’ils soient. Évidemment avec le président de Saint-Étienne Métropole et le président du département, mais aussi toutes les forces vives de ce territoire que sont les structures associatives, les entreprises, pour continuer à progresser en matière d’insertion professionnelle, d’offres de formation.
L’Université n’est pas dans sa tour d’ivoire, elle est au cœur de la cité, en interaction avec l’ensemble des acteurs de la société.
Enfin c’est aussi une relation que nous souhaitons développer sur des bases très ambitieuses en matière de recherche et de formation. Notre territoire a besoin d’une université forte, moderne, dynamique, reconnue et ouverte à l’international.
Que souhaitez-vous dire aux étudiants ?
Je souhaite leur dire la même chose que le jour de mon élection : cette élection n’est pas la victoire d’un homme, ni même d’une équipe mais elle doit être la victoire des étudiants et c’est en tout cas le vœu que je formule. La société nous confie ce qu’elle a de plus précieux, sa jeunesse. Et cela nous met face à nos responsabilités. La jeunesse c’est l’avenir, le renouvellement, l’utopie, le changement, l’intelligence !