30 juin 2023 (Appel)

[IHRIM] - Revue « Autour de Vallès », numéro 54, 2024Du cri à l’écrit : le droit (vu) par la littérature, du coup d’État à l’affaire Dreyfus (1851-1900)

 

Appel à contributions

  • « Je n’ai pas l’intention de faire un livre. Je pousse un cri », déclare Victor Hugo dans un célèbre projet de préface à l’Histoire d’un crime (1877) ; « Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme », écrit, comme en écho, Zola dans J’Accuse (1898). En hommage au Cri du peuple, journal fondé par Vallès en 1871, c’est cette conception de la littérature comme la mise en forme d’un cri, et tout particulièrement un cri d’indignation révolte viscérale contre l’injustice, qui institue l’écrivain, porte-parole de ceux dont la voix se révèle trop souvent inaudible au sein des tribunaux (condamné-e-s, notamment, tel Jean Valjean), en rival de l’autorité juridique, que le présent dossier, ouvert aux spécialistes du droit comme de la littérature, visera à sonder. Formaliser, mettre à distance la violence, la traduire dans un langage commun, peut en effet être considéré comme l’une des modalités de ce passage au droit, qu’étudie notamment François Ost dans Le droit ou l’empire du tiers ; la littérature, en revanche, lorsqu’elle décrit et surtout lorsqu’elle accuse, ne vise-t-elle pas à combiner à la fois la précision de la catégorisation juridique et la puissance de mobilisation de l’émotionnel ?
  • On peut penser que le « crime du 2 décembre », où le « pirate empereur Napoléon (...) tua les lois à coups de crosse » (Hugo, Châtiments) a renforcé l’idée que la pire injustice est celle qui se commet au nom de l’autorité et de la loi elle-même. Et, surtout, que, si les tribunaux séculiers échouent à rendre justice, la littérature doit devenir cette « cour d’appel » (F. Leichter-Flack) permettant de rappeler, contre la loi, la suprématie du droit ; cour d’appel où l’auteur-e « juge ce que n’ont pas fait les juges » (Hugo). Ainsi pourra-t-on, contre l’ordre juridique, requalifier la peine de mort en « meurtre légal » (Hugo), le mariage en « prostitution jurée » (G. Sand), la condamnation de Dreyfus en « crime civique » (Zola), les communards en « victimes de l’injustice sociale qui ont pris les armes » (Vallès). Cour d’appel dont les prérogatives s’étendent, de fait, du champ supra-constitutionnel
    (« droit » de la guerre, impérialisme…) aux faits divers, du domaine pénal aux questions civiles (code de la famille, lois sur la propriété, scandales financiers...).
  • Mais, dans cette cour d’appel, l’écrivain-procureur en réfère toujours au verdict du « juge ultime » (Ph. Hamon) ; et, parfois, comme le dit Maurice Garçon en préface de ses Plaidoyers chimériques, il arrive que l’instance dont on requiert le jugement ne soit pas d’accord avec ce qui semble être la sentence de l’auteur-e ; et, comme le remarque Jacques Hamelin, autre avocat spécialisé dans les questions littéraires s’étant essayé, à la même époque, à l’exercice de la plaidoirie fictive, la littérature réaliste, qui se développe tout particulièrement à cette période, est, par la précision de sa peinture et la proximité qu’elle revendique avec la société réelle, la plus propice à la mise en procès des personnages. On pourra ainsi envisager dans le cadre de cette publication les divers procès qu’à son tour peut instruire le lecteur ou la lectrice, indépendamment ou contre l’auteur-e, vis-à-vis de crimes impunis dans le cadre de la fiction : par exemple, les meurtres dévoilés par les enquêtes de critique policière ; l’inculpation pour viol de George Duroy sur Mme Walter dans Bel-Ami par la critique féministe ; ou les réécritures littéraires visant à modifier les jugements antérieurs induits par sa caractérisation, comme l’adoucissement du personnage de Barbe-bleue par Maeterlinck (qui, selon sa nouvelle épouse, Ariane, n'est « pas si terrible »).

  • Parmi les multiples pistes possibles ouvertes par les recherches actuelles en droit et littérature permettant d’aborder cette problématique, le dossier en préparation pourra donc notamment accueillir des contributions étudiant :
    — L’ethos des écrivain-e-s comme substitut du magistrat et les stratégies rhétoriques déployées pour persuader ou convaincre le lecteur ou la lectrice ;
    — La littérature comme « cri », expression esthétique d’une violence interdite par les normes sociales, d’instincts primitifs que les instances juridiques visent à étouffer ;
    — Les modalités stylistiques d’une écriture littéraire intégrant les paradigmes juridiques – et comment elle s’en distingue ;
    — La mise en scène, dans la fiction, essais historiques ou discours, de figures juridiques (avocats, juges, notaires) ou de procès ;
    — La mise en scène ou en accusation, par les écrivains, de dysfonctionnements sociaux, de crimes et d’injustices ;
    — Les requalifications juridiques permises par l’interprétation critique ou les réécritures littéraires.

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MODALITÉS DE SOUMISSION DES COMMUNICATIONS

  • Les propositions, d’une demi-page à une page environ, sont à envoyer, accompagnées d’une courte bio-bibliographie,
    avant le 30 Juin 2023 à l’adresse suivante : caroline.julliot @ univ-lemans.fr
    Après acceptation, les articles complets (30-50 000 signes) sont attendus pour le 15 mars 2024.