Publi - ENES - Octobre 2020

Hasard, information et évolution biologique : l’histoire des signaux sonores de tambourinage chez les oiseaux picsCommuniqué de presse

La diversité des sons émis par les animaux est fascinante. Comment les animaux produisent-ils et perçoivent-ils ces signaux acoustiques ? Dans quelle mesure certaines structures sonores changent-elles au cours de l’évolution des espèces animales ? Dans un article paru ce jour dans la prestigieuse revue Nature Communications, des chercheurs de l’ENES - CRNL1 associés à des collègues suisses, américains et néerlandais présentent une reconstitution de la signification et de la diversification des signaux de communication qui accompagnent l’évolution d’espèces animales.

En 1949, Claude Shannon et Warren Weaver ont formalisé la Théorie Mathématique de la Communication qui visait à prédire la quantité d'information transférée par un signal. Bien que développée principalement pour les télécommunications, cette théorie a révolutionné notre compréhension de la communication animale. Pour la première fois, il devenait possible de quantifier la quantité d'information encodée dans un signal animal. C’est cette opportunité que les chercheurs ont saisie pour explorer les mécanismes évolutifs de l’évolution d’une communication acoustique animale.

Le choix du modèle biologique fut une question délicate. Il fut décidé de s’intéresser aux tambourinages des pics. Ces oiseaux ont pour habitude de signaler leur présence en frappant vigoureusement et rapidement leurs becs contre des troncs d’arbre. Les chercheurs ont alors combiné des analyses acoustiques, des calculs théoriques de l'information, des reconstructions évolutives, des analyses des communautés écologiques ainsi que des expériences de playback sur le terrain. L’objectif était de tester si le tambourinage des pics a évolué pour augmenter l’information sur l’identité de l’espèce, autrement dit pour faciliter la reconnaissance des espèces.

Les résultats montrent que les tambourinages n’ont pas tellement changé au cours de l’évolution des espèces de pics, et que la quantité d'information sur l’identité des espèces est restée assez stable depuis 22 millions d’années ! Le tambourinage des pics n'a donc pas été sélectionné pour faciliter l'identification des espèces, mais a néanmoins évolué en préservant l'information à mesure que le nombre d'espèces augmentait. Les processus évolutifs ont régulièrement résulté en de nouveaux modes de tambourinage. Par conséquent, plus deux espèces sont proches génétiquement, plus leurs manières de tambouriner se ressemblent. Aujourd’hui, on retrouve rarement dans la même forêt deux espèces de pics tambourinant de la même façon, pour des raisons qui ne sont pas forcément en lien avec la communication : il est simplement possible que des espèces trop proches vont entrer en compétition pour la nourriture, et s’exclure mutuellement. Ainsi, la compétition acoustique est réduite, voire absente.

Cette fascinante étude souligne que les changements aléatoires et imprévisibles des signaux de communication au cours du temps peuvent se faire tout en conservant leur caractère informatif pour les espèces.

         

ENES - CRNL1 : Equipe de Neuro-Ethologie Sensorielle - Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (UJM/ Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS/INSERM)

 

Référence :
Garcia M, Theunissen F, Sèbe F, Clavel J, Ravignani A, Marin-Cudraz T, Fuchs J, Mathevon N, in press. Evolution of communication signals and information during species radiation.
Nature Communications.

Contact chercheur :
Nicolas Mathevon  (mathevon @ univ-st-etienne.fr)
Equipe de Neuro-Ethologie Sensorielle ENES - CRNL : Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (Université Jean Monnet Saint-Etienne / Université Claude Bernard Lyon 1 / CNRS / INSERM)
www.eneslab.com

Publié le 2 octobre 2020