Explorer la diversité de la parole humaine

Au-delà de la parole : explorer la diversité de la voix humainePublication scientifique

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En combinant des sons complexes, la parole nous permet de communiquer efficacement une quantité et une diversité impressionnantes, voire illimitées, d’informations. Cependant, nos prouesses vocales se limitent-elles au langage parlé ? Sommes-nous capables de produire des sons encore plus complexes que la parole ? C’est à cette question qu’ont répondu des chercheurs et chercheuses de l’université Jean Monnet à Saint-Étienne, de l’Inserm, du CNRS[1] et de l’université de Lund en Suède. Ces résultats viennent d’être publiés dans la revue iScience le 17 novembre 2023.

Au cours de son évolution, la lignée humaine a acquis un contrôle sophistiqué de l’appareil vocal qui nous permet aujourd’hui de produire l’incroyable complexité phonétique qui caractérise la parole. Cette parole est intelligible car l’évolution a favorisé une stabilisation de la vibration des cordes vocales, qui se traduit par une voix plus tonale et une intonation plus monotone que chez les autres primates. Cette nécessaire contrainte de stabilité s’est-elle accomplie aux dépens de notre capacité à produire un répertoire vocal riche et varié ?

Afin de répondre à cette question, les scientifiques ont analysé un vaste corpus multiculturel de sons vocaux incluant de la parole et des chants, ainsi que des vocalisations non verbales comme des pleurs, des rires, etc. Cette approche leur a permis de cartographier la diversité acoustique du répertoire vocal humain et de confirmer que la parole est caractérisée par une voix relativement grave et tonale couplée avec une articulation par modification des cavités vocales (pharynx et bouche). En revanche, les résultats montrent que cela ne limite en rien notre capacité à moduler à d’autres fins le fonctionnement de notre larynx, la source originelle des sons que nous produisons. En effet, les chants et les vocalisations non verbales se caractérisent par une hauteur de son très variable et présentent souvent une phonation complexe et éraillée. Nos capacités de contrôle vocal nous permettent ainsi de moduler notre voix bien au-delà du domaine de la parole afin de chanter, pleurer, rire, crier ou même imiter une multitude de cris d’animaux.

« Prenez l’exemple d’un athlète qui vient de finir un 100 mètres haies […]  – il vaut mieux attendre quelques minutes avant de l‘interviewer sinon on risque de ne pas comprendre grand-chose à ce qu’il essaye tant bien que mal de nous dire… Avant de pouvoir à nouveau s’exprimer clairement, il faudra d’abord qu’il puisse reprendre son souffle, ce qui lui permettra de contrôler la pression de l’air sous la glotte afin que l’intonation de la voix reste stable pour mettre en avant la perception des consonnes et des voyelles qui composent la parole. Par cette étude, nous montrons que notre capacité à stabiliser la voix pendant la parole n’affecte en rien notre capacité de la faire varier pour chanter, exprimer des émotions ou imiter les cris des animaux. Au contraire, nos travaux suggèrent que notre répertoire vocal est parmi les plus riches de la planète ! » explique David Reby, responsable de cette étude. « Nous en déduisons par ailleurs que la modulation de la source vocale au niveau du larynx fonctionne mieux pour transmettre l'affect, tandis que la modulation du filtre vocal « supralaryngé » facilite principalement la communication sémantique », explique Andrey Anikin qui a piloté les analyses rapportées dans cet article.

[1] Ces travaux ont été réalisés par l’équipe de neuro-éthologie sensorielle (ENES) au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL, Université de Saint-Étienne/CNRS/Inserm/Université Lyon 1) en collaboration avec le laboratoire Dynamique du langage (CNRS/Université Lumière Lyon 2).


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Contact : David REBY (david.reby @ univ-st-etienne.fr)
Professeur en éthologie, chercheur au sein de l’équipe de bioacoustique ENES/CRNL (Université de Saint-Étienne, CNRS, Inserm, Lyon 1) - eneslab.com, Membre senior de l’Institut Universitaire de France (IUF)

 

Publié le 27 novembre 2023