le mécanisme de communication entre les organes floraux du Pétunia

Le mécanisme de communication entre les organes floraux du Pétunia grâce à une molécule volatile utile au développement de la fleurPublication scientifique dans la revue Sciences

Le pétunia, qui orne communément nos balcons, est la plante à massif la plus connue et utilisée dans le monde pour sa diversité de couleurs, de morphologies et de senteurs. C’est également un modèle d’étude important utilisé par les scientifiques notamment pour étudier la biosynthèse des parfums, les mécanismes de transport permettant leur émission ainsi que leur rôle écologique de communication chez les plantes. Un chercheur du Laboratoire de biotechnologies végétales appliquées aux plantes aromatiques et médicinales - LBVpam (UJM/CNRS), Benoît Boachon, vient de participer à l’identification du premier récepteur d’une molécule volatile impliquée dans la communication entre organes floraux chez le pétunia. Cette étude, dirigée par le Pr. Natalia Dudareva (Université Purdue, USA) en collaboration avec le Docteur Benoît Boachon) et le Pr. Nitzan Shabek (Université de Californie Davis, USA), est publiée ce vendredi 22 mars 2024 dans la revue Science. Elle décrit pour la première fois le mécanisme de perception et de signalisation d’une molécule volatile permettant la communication entre organes floraux chez le pétunia.

Rebecca Niver - Unsplash

 

En 2019, Benoît Boachon, sous la direction du Pr. Dudareva publiait dans la revue Nature Chemical Biology la description d’un phénomène jusqu’alors inconnu de transport de molécules volatiles entre organes floraux chez le pétunia, la fumigation naturelle. Alors que les chercheurs pensaient jusqu’alors que les parfums floraux étaient émis dans l’atmosphère, pour attirer les pollinisateurs par exemple, cette étude montrait pour la première fois que des molécules volatiles produites dans le tube de la fleur de pétunia étaient émises dans le bourgeon en développement et s’accumulaient ensuite dans les organes reproducteurs, étamines et pistils. Cette étude démontrait que ce transport de parfums entre organes d’une même plante par fumigation naturelle avait plusieurs rôles majeurs chez la fleur de pétunia. Le premier est de protéger les organes reproducteurs essentiels à la reproduction de la plante contre la prolifération excessive du microbiote présent à la surface du pistil. Le second encore plus original, est la stimulation du développement du pistil de la fleur de pétunia avec pour résultat une production augmentée de graines. Cette découverte importante montrait que des molécules volatiles de la famille des terpènes pouvaient avoir un effet de type « hormone de croissance » ouvrant ainsi la voie à l’étude de cette communication par des molécules volatiles chez les plantes, de leur perception à leur signalisation.

Forts de cette collaboration internationale, les chercheurs ont donc poursuivi leurs recherches et montré qu’une molécule volatile en particulier issue de la fumigation naturelle, le (-)-germacrène D, est spécifiquement détectée dans le pistil et stimule son développement ainsi que la production augmentée de graines. L’équipe a découvert que cette molécule induit dans le pistil une voie de signalisation particulière, celle de la karrikine. La karrikine est une molécule qui n’est pas produite par les plantes mais provient de leur combustion et qui est connue notamment pour induire la levée de dormance des graines d’espèces végétales pionnières qui recolonisent des zones soumises à des incendies et permet à la végétation de renaître de ses cendres. Le récepteur et la voie de signalisation de la karrikine, qui sont conservés chez toutes les plantes, sont bien connus des scientifiques et participent à de nombreux mécanismes dans le développement des plantes. Cependant les plantes n’ont pas toutes besoin du feu et de la karrikine pour se développer, ce qui suggère que cette voie conservée est induite par d’autres molécules endogènes aux plantes et encore inconnues. Cette étude a pu mettre en évidence que le (-)-germacrène D émis dans les bourgeons de la fleur de pétunia est reconnu par un des récepteurs de la karrikine présent chez le pétunia, KAI2ia, et induit alors la cascade moléculaire en aval permettant le développement normal du pistil et la production augmentée de graines.

Cette découverte montre comment certaines plantes peuvent utiliser des molécules volatiles non seulement pour interagir avec leur environnement mais aussi afin que leurs organes communiquent entre eux. Elle lève ainsi une partie du voile sur le mystère des stimulateurs de la voie conservée de la karrikine chez les plantes.

La communication chez le pétunia par une molécule volatile induisant la voie de la karrikine.
Schéma illustrant le phénomène de fumigation naturelle de Germacrène D émis par le tube du bourgeon de pétunia (en rouge) et s’accumulant dans le pistil au cours du développement de la fleur.
À droite dans l’encadrée est illustrée la reconnaissance du Germacrène D par le récepteur de la karrikine, KAI2ia, induisant ainsi la cascade moléculaire et la signalisation de la voie.
Cette perception induit la formation du complexe KAI2ia/MAX2/SFC permettant la dégradation du répresseur SMAX1 ainsi que l’expression des gènes impliqués dans le développement normal du pistil et la production de graines.

 

Référence :
Shannon A. Stirling, Angelica M. Guercio, Ryan M. Patrick, Xing-Qi Huang, Matthew E. Bergman, Varun Dwivedi, Ruy W.J. Kortbeek, Yi-Kai Liu, Fuai Sun, W. Andy Tao, Ying Li, Benoît Boachon, Nitzan Shabek and Natalia Dudareva. Volatile communication in plants relies on a KAI2-mediated signaling pathway. (2024) Science XX.

Boachon Benoît, Lynch JH, Ray S, Kaldo KM, Junker RR, Kessler SA, Morgan JA, Dudareva N. Natural fumigation as a mechanism for volatile transport between flower organs. (2019) Nature Chemical Biology 15 (6), 583.

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Publié le 12 avril 2024