Que disent les pleurs des chiots ?Publication scientifique
Chez les mammifères, pleurer pour attirer l’attention de ses parents n’est pas propre au bébé humain. Par exemple, chez le chien domestique, les chiots pleurent dès la naissance afin de recevoir des soins maternels. Mais quelles informations les chiennes extraient-elles des pleurs de leurs chiots ? Une équipe de chercheurs et de chercheuses de l'Université Jean Monnet Saint-Étienne, de l’Université du Québec (à Chicoutimi), du CNRS et de l’INRAE, menée par Mathilde Massenet, David Reby et Nicolas Mathevon, a récemment élucidé cette question. Leurs résultats viennent d’être publiés dans la prestigieuse revue Proceedings of the National Academy of Sciences.
Une chienne et sa portée de chiots Beagle - Photo : Romane Philippe
Afin de comprendre quelles informations sont encodées dans les pleurs des chiots, les scientifiques ont d’abord enregistré 4400 cris produits par plus de 200 chiots Beagle issus de 40 portées différentes. Des analyses acoustiques fines leur ont ensuite permis de montrer que les pleurs contiennent une signature vocale propre à la portée, et, au sein de chaque portée, une signature individuelle… un peu comme si chaque chiot avait un « nom de famille » et un « prénom » !
Mathilde Massenet, qui a piloté l’ensemble des analyses, ajoute que « ces différences concernent notamment la fréquence fondamentale des pleurs, un paramètre important lié à la hauteur perçue, plus ou moins aigüe ou grave, des vocalisations. Chaque portée possède sa propre gamme de fréquences au sein de laquelle, les chiots relativement plus petits émettent généralement des vocalisations plus aigües que celles de leurs frères ou sœurs plus grands ».
Les résultats de cette étude suggèrent donc que les pleurs des chiots peuvent transmettre aux mères des informations importantes leur permettant d’identifier acoustiquement leurs chiots et d’évaluer ce dont ils ont besoin. Les scientifiques ont vérifié cette hypothèse avec des expériences de repasses acoustiques durant lesquelles ils ont présenté aux mères des signaux modifiés avec des méthodes de resynthèse acoustique. Leurs observations sont claires : les chiennes utilisent la hauteur des pleurs pour identifier leurs chiots et évaluer leurs conditions physiques, apportant plus de soins maternels en réponse aux cris de leurs propres chiots particulièrement lorsque ces derniers sont modifiés pour simuler les cris d’un chiot relativement petit de leur portée.
« De nombreuses mères apportaient même le haut-parleur1 dans le nid avec les chiots , montrant qu’en l’absence d’indices olfactifs, les pleurs peuvent à eux seuls déclencher des réactions maternelles extrêmement fortes » ajoute David Reby, responsable de cette étude. Il explique aussi que « ce comportement assez surprenant nous interroge sur la capacité des mères à former une représentation mentale de leurs petits et ouvre de nouvelles perspectives de recherche en cognition animale ».
1 Le haut-parleur était placé hors du nid au début de chaque expérience de repasse.
Cette étude a été dirigée par l’Équipe de neuro-éthologie sensorielle (ENES) du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (Université Jean Monnet Saint-Étienne, CNRS/ Inserm/ Université Claude Bernard Lyon 1) et a impliqué des scientifiques du laboratoire Dynamique du langage (CNRS/ Université Lumière Lyon 2), du laboratoire Physiologie de la reproduction et des comportements (CNRS/ INRAE/ IFCE/ Université de Tours) et du laboratoire de phonétique expérimentale (Université de Québec, Chicoutimi.)
Référence : Massenet M, Philippe R, Pisanski K, Arnaud V, Barluet de Beauchesne L, Reynaud K, Mathevon N, Reby D, in press. Puppy whines mediate maternal behaviour in domestic dogs. Proceedings of the National Academy of Sciences.
Contact chercheurs :
Mathilde Massenet (massenet.mathilde @ gmail.com)
Postdoctorante au sein de l’Équipe de neuro-éthologie sensorielle (ENES) au CRNL (UJM, CNRS, Inserm, Université Lyon 1) – eneslab.com
David Reby (david.reby @ univ-st-etienne.fr),
Professeur en éthologie, chercheur au sein de l’Équipe de neuro-éthologie sensorielle (ENES) au CRNL (UJM, CNRS, Inserm, Université Lyon 1) – eneslab.com
Membre senior de l’Institut Universitaire de France (IUF)