Days are dog 04-09/04-10, A. Favier

Days are dog 04-09/04-10Anne Favier, 2018

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Ensemble de 27 dessins sur papier journal, technique mixte, 37 x 42 cm chaque.
Présenté à l’occasion de la journée d’étude
Écarts et variations : l’instabilité du multiple,
Salle du vélodrome, Université Jean Monnet Saint-Étienne, novembre 2018

 

  • Un programme graphique éphéméride développé du 4 septembre au 4 octobre. Les jours y sont à la fois scandés par les actualités du Monde et rythmés par la mesure du microcosme domestique.
    Sur des feuilles de papier journal au format du quotidien Le Monde, cohabitent, dessinés, un gadget kitsch et des iconographies d’actualités embrouillées. Sont ainsi juxtaposés, en toute incongruité, le mièvre petit chien prisonnier d’une mécanique pendulaire à énergie solaire et le flux des événements journaliers retentissants.
    Qu’en retient Le Monde ? Des images d’actualité spectaculaires (catastrophes humanitaires, écologiques, économiques, événements médiatiques et politiques...), des images qui parlent à travers d’éloquentes et théâtrales gestuelles. Les innombrables mains – en acte – témoignent en ce sens des passations, manipulations, tractations, transactions, revendications, manifestations, qu’elles illustrent. Chaque jour, ce spectacle éphéméride des actualités du Monde est systématiquement repris graphiquement, conformément aux emplacements décidés par le chemin de fer du format papier.
    Ici, fusionnés comme des calques empilés par transparence, les événements de l’actualité brûlante perdent en consistance et se défilent en troubles nuages de signes. Ils sont assourdis par la superposition sur un même plan, et l’uniformisation d’un traitement synthétique. La pelote visuelle ainsi constituée des images enchevêtrées embrouille la vue. Mais ce maillage confus est aussi une invite à l’examen de l’écheveau a priori illisible afin d’y démêler quelques figures. Alors, au-delà de la désorientation première, se distinguent les images du Monde reliées par contiguïté. Si l’efficacité visuelle des photographies du journal s’en trouve contrariée, leur stratification graphique en palimpseste encourage des rencontres qui en deviennent autrement signifiantes. Ainsi, le télescopage des représentations conduit à de nombreuses confrontations potentielles : Donald Trump est agrégé avec un jeune soldat afghan et un grizzli ; un autre jour il entre en collision avec des manifestants turcs après la dévalorisation de leur monnaie ; un célèbre joueur de golf et des militaires lors d’un défilé sont étrangement associés ; des élus populistes sont réunis graphiquement aux embarcations de migrants, etc. Par contamination visuelle, les combinaisons sémantiques sont infinies et se donnent à lire sous la forme de relations causales. Les arènes du pouvoir sont articulées à leurs effets sur le monde, par-delà les échelles et les temporalités. Le feuilletage d’images est comme une carte heuristique repliée. Ce traitement graphique pourrait par ailleurs évoquer les récents Palimpsest[s] de Ciprian Muresan.
    Dans le tiers inférieur, l’absurde teckel de compagnie, tout en plastique, est comme un admoniteur ou un veilleur, à la fois naïf et inquiet, désappointé et détaché, submergé et ailleurs. Cette puérile babiole est une présence miniature muette déposée sur la table de travail. Elle s’active invariablement – au moindre rai de lumière – sous la forme d’un basculement régulier, dont la bruyante et non moins énervante cadence ne cesse de varier en intensité. Le rythme de ses journées, au mièvre canidé, fluctue en fonction des heures et du soleil, tout comme le relevé du motif quotidien au fusain – à la fois systématique et différent. Cette modularité infinie des ombres et des lumières est aussi le paradigme même de la sérialité.
    L’insignifiante vanité solaire à la cadence prévisible est confrontée, à distance, aux vicissitudes charriées par le cloud bleuté des actualités du Monde.
    Days are dog, est aussi un écho dérisoire à la spectaculaire et médiatique fresque hebdomadaire Days are Dogs, 2017, de Camille Henrot, dont le titre dérive de l’expression Dog Days, qui renverrait, elle, à d’ancestrales observations solaires.
    Que se trame-t-il dans le monde ?
    Manque aussi une journée dans le calendrier : grève du Monde.