Jean Michel Matz : hommage que lui a consacré Marie-Madeleine de Cevins
Il est parti comme il a toujours vécu et travaillé : loin des feux de la rampe. Jean Michel Matz est décédé à son domicile le 7 mars, après quatre ans de lutte contre le cancer. Il avait 57 ans. Pour beaucoup, il restera cette haute silhouette vêtue de noir – la couleur que portaient ces clercs du Moyen Âge qu’il a étudiés sans relâche et avec lesquels, bien que farouchement athée, il entretenait un évident rapport d’identification (cf. le titre de sa thèse soutenue en 1993 sous la direction d’André Vauchez : « Les miracles de l’évêque Jean Michel et le culte des saints dans le diocèse d’Angers (v. 1370-v. 1560) »). Alsacien de naissance (d’où son amour du travail rigoureux, disait-il), il avait fait de l’Anjou son port d’attache personnel et professionnel – tout en cultivant en parallèle l’italophilie chère à son « maître ». Ce n’est donc pas par hasard que, agrégation et thèse en poche, il a été élu maître de conférences (1994) puis professeur (2004) en histoire du Moyen Âge à l’Université d’Angers. Les fonds d’archives angevins n’avaient aucun secret pour lui. Il y a jeté plusieurs générations d’étudiants, devenus pour certains de nouveaux maillons de la chaîne ininterrompue de transmission du savoir d’où sont sortis des travaux nombreux et importants, individuels et collectifs, notamment sur les évêques et la sainteté épiscopale, sur les milieux canoniaux et les bibliothèques capitulaires dans la France de l’Ouest à la fin du Moyen Âge. À défaut de pouvoir citer tous ceux dont il est l’auteur ou l’orchestrateur, on retiendra en priorité les répertoires prosopographiques des évêques, dignitaires et chanoines des diocèses d’Angers (2003) et du Mans (2018), publiés dans la collection des Fasti Ecclesiae Gallicanae (Brepols), plusieurs volumes collectifs codirigés (Formation intellectuelle et culture du clergé dans les territoires angevins, Rome, 2005 ; Structures et dynamiques religieuses dans les sociétés de l’Occident latin, Rennes, 2010 ; René d’Anjou (1409-1480). Pouvoirs et gouvernement, Rennes, 2011 ; Formations et cultures des officiers et de l’entourage des princes dans les territoires angevins, Rome, 2019) et des contributions importantes à plusieurs ouvrages de synthèse (Église et société au Moyen Âge, Ve-XVe siècle, Paris, 2008 ; Le Roi René dans tous ses États, Paris, 2009 ; Histoire de l’université d’Angers du Moyen Âge à nos jours, Rennes, 2012). Collègue d’une disponibilité et d’une fiabilité sans égales, il ne rechignait pas à exercer ces tâches administratives qui rognent toujours plus sur le temps dévolu à la recherche, sa seule vraie passion. S’il n’aimait guère s’exprimer devant une assemblée de pairs, il a laissé aux étudiants de l’Université d’Angers le souvenir d’un enseignant charismatique, alliant haut niveau d’exigence, érudition vertigineuse et distanciation ironique, et il a tenu à suivre ses doctorants jusqu’au bout. Il ne se revendiquait d’aucune école intellectuelle, trop indépendant d’esprit pour cela. Pour lui, la connaissance historique était avant tout affaire d’observation, d’humilité et de patience, croissant au même rythme que les plantes grasses auxquelles il prodiguait des soins diligents, sur fond de musiques galvanisantes – ce qui ne l’empêchait pas de réserver le meilleur de lui-même à son épouse et à ses deux enfants.