Damien GuillaumeMinéralogiste
Parcours
Enfant, Damien ne se préoccupe guère de son avenir. Originaire de la région lyonnaise et nourri de randonnées en montagne et de sport, il ne projette encore aucun parcours professionnel bien dessiné.
« Je n’ai pas souvenir, enfant, d’avoir voulu faire ci ou ça... j’étais content d’être heureux et ça me suffisait. »
Lorsqu’on lui demande avec insistance au collège de formuler une première idée d’orientation, Damien parle du travail du bois, activité qu’il a découverte auprès de son grand-père. On lui propose alors de s’orienter en ébénisterie, mais si Damien apprécie l’activité, il ne souhaite pas en faire son métier.
Face à cette incertitude concernant sa voie, ses parents le laissent prendre le temps de trouver ce qui éveillera son intérêt.
Au collège et au lycée, Damien étudie très peu les sciences de la Terre, et ne connaît donc pas encore la géologie. Il apprécie les sciences naturelles, et notamment les expérimentations : il aime comprendre les processus, tester. Et c’est au Festival du film scientifique de Oullins, auquel il assiste durant ses années de lycée, qu’il se passionne pour les biotechnologies. Il a donc choisi, il fera de la biologie !
Il s’oriente donc vers un baccalauréat D (principalement biologie, associée à des mathématiques, et de la physique - chimie). Cependant, bien qu’il ait réussi ce baccalauréat, posé des candidatures et été accepté dans différentes formations, pas convaincu par l'une ou l'autre, Damien laisse passer toutes les inscriptions.
Pour pouvoir renouveler ses vœux, on lui propose donc de repasser un baccalauréat. Il choisit cette fois un bac C, où les mathématiques et la physique - chimie sont plus présentes.
« C’est une chance que mes parents m’aient donné ce temps et offert cette liberté-là, c’était précieux ».
Cette nouvelle année de terminale permet à Damien de découvrir de nouvelles options, et de s’intéresser aux cursus possibles, aux classes préparatoires… Il choisit alors une classe préparatoire en biologie (l'actuelle BCPST), où il fera enfin la rencontre des Sciences de la Terre. A cette occasion, il participe à des sorties géologiques, et découvre un aspect nouveau des paysages.
« Je suis venu en prépa pour faire de la biologie mais finalement ce qui m’a plu, ce sont les sciences de la Terre. Depuis tout petit j’allais faire des randonnées en montagne et de l’escalade, sans jamais vraiment observer les roches. »
C’est à ce moment-là que Damien découvre vraiment la géologie, et délaisse la biologie.
Il intègre ensuite l’Université Jean Monnet en 2e année de DEUG, pour les Sciences de la Terre.
Attiré ensuite par la licence de géologie de Grenoble, il reçoit alors un précieux conseil. L’un de ses professeurs à l’UJM, Jean-Yves Cottin, lui conseille plutôt de candidater au magistère de l’ENS de Paris. La décision de suivre ce conseil lui coûte, car l’environnement est difficile et les montagnes sont loin, mais les études valent le coup.
C’est également par le biais de Jean-Yves Cottin que Damien découvre les îles Kerguelen, souvent utilisées en exemples dans ses cours sur le magmatisme.
Son parcours étudiant sera alors interrompu durant 2 ans, lorsqu’il quitte la métropole pour partir réaliser son service militaire en tant que scientifique (VAT) aux îles Kerguelen, où il a l’occasion de continuer la géologie, directement sur le terrain.
Durant ses années à Paris, Nancy et Clermont-Ferrand pour ses stages, Damien apprécie l’approche expérimentale qui lui permet de comprendre les processus géologiques.
Ce parcours se terminera enfin par une thèse en minéralogie expérimentale à Nancy, suivie d’un post-doctorat en Allemagne (Münster) et enfin d’un poste de maître de conférences, à Nancy puis à Toulouse. Suite au passage de son Habilitation à Diriger les Recherches, un poste de professeur des universités s’ouvre à Saint-Étienne. L’occasion est parfaite, puisqu’elle lui permettra de continuer les programmes de recherche à Kerguelen.
La direction du laboratoire est proposée avec le poste de professeur, et c’est une responsabilité qu’il a endossée avec plaisir.
Un géologue minéralogiste
Enseignant-chercheur avant tout, Damien est professeur de géologie - minéralogie et dirige l’équipe stéphanoise du laboratoire LGL-TPE, constituée d’une dizaine de personnes qui étudient la thématique « surface et lithosphère ».
« On est géologues, ou pourrait-on même dire géoscientifiques. On a en commun d’essayer de comprendre les processus qui régissent la formation ou le fonctionnement de la Terre. »
Cette équipe utilise de très diverses méthodes pour étudier la lithosphère : analyse d’échantillons très variés et à différentes échelles, échantillons naturels ou expérimentaux, observations satellite, mesures géophysiques sur le terrain, etc.
Minéralogiste, Damien travaille sur les minéraux de différentes façons pour comprendre comment ils se forment, s’altèrent, cristallisent, évoluent… en fonction de processus géologiques.
Cela peut se faire sur des cas réels (sur des roches prélevées sur le terrain, par exemple à Kerguelen) pour en apprendre plus sur ces roches, ou bien par le biais de l’expérimentation. Celle-ci vise à reproduire en laboratoire les processus naturels pour les comprendre.
« On "joue" avec la composition, la température, la pression… pour analyser ensuite le résultat. »
Vie d’enseignant-chercheur
« Je suis chercheur mais aussi enseignant, et directeur. Ces 3 moitiés, je les apprécie tout autant ! »
Damien aime transmettre, et tient à la partie « enseignement » de son métier. Et cela tant du point de vue des connaissances que des compétences.
« On transmet aux étudiants des savoirs qu’ils pourraient trouver dans des bouquins, mais on transmet aussi des attitudes, des façons de faire, de regarder les choses. »
Et la relation à double-sens que permet cette activité apporte beaucoup à Damien.
« Enseigner, c’est une respiration. Aller passer une matinée en cours c’est la plupart du temps un vrai plaisir. Retrouver la paillasse ou aller sur le terrain aussi. J’aime voir un retour dans le regard des étudiants, voir que ça les intéresse, qu’ils ont compris, c’est un retour qui me fait plaisir. »
Prendre part au pilotage du laboratoire est aussi une partie importante pour Damien. Participer à savoir où l’on va en tant que partie du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est ce qui le motive dans cette tâche, dans laquelle il ressent une forme d’utilité.
« Nous, enseignants-chercheurs, avons la chance et le plaisir d’avoir la liberté de faire ce que nous voulons, et d’avoir le droit de nous tromper ».
Damien ne voit pas son poste de directeur comme un poste prestigieux, mais l’exerce plutôt dans l’objectif de faciliter le travail de ses collègues, et de contribuer au bon fonctionnement du laboratoire. Pour lui, diriger une structure n’est pas une fin en soi, mais bien un moyen d’être utile pour sa communauté.
Quand on demande à Damien des points négatifs à son métier, il répond :
« Pas dans le métier, mais dans le milieu de l'enseignement supérieur et de la recherche. L'individualisme, les petites trahisons et les coups bas dans ce que certains semblent vivre comme une compétition entre nous. Notre vie n’est pas en jeu et nous faisons souvent beaucoup mieux et plus facilement, efficacement, en collaborant, en conjuguant nos compétences, en travaillant ensemble, en nous entraidant et en aidant les plus jeunes. Si nous sommes là c’est parce que d’autres avant nous ont tracé des chemins et nous en bénéficions. Nous faisons surtout de la maintenance et nous ne faisons que passer. Certains l’oublient trop vite. »
Alors il s'efforce de rester désinvolte et, l'air de rien, de ne voir que les points positifs tant qu'il y parvient. Il se sent chanceux d’exercer ce métier, et les petites contrariétés et contraintes ne pèsent pas si lourd dans la balance face à tous les bons côtés qu’il trouve dans ce métier.
Quand on demande à Damien s’il est encore passionné aujourd’hui, il acquiesce « oui, je pense ». Certaines déceptions sur certains projets sont parfois difficiles à accepter et à digérer, mais la passion et la volonté de continuer, pour lui et pour celles et ceux qui ont embarqué avec lui, persiste.
Damien a aussi à cœur de transmettre son savoir à d’autres personnes, pour assurer la poursuite des projets quand lui-même cessera d’y prendre part, et de participer aux actions de communication autour des sciences.
Cette transmission, c’est le fil rouge du quotidien de Damien, qui nous confie avant de nous quitter une citation de Boris Vian qu’il affectionne particulièrement : « la vérité n’est pas du côté du plus grand nombre, parce qu’on ne veut pas qu’elle y soit. Le jour où le plus grand nombre sera à même par sa culture et ses connaissances de choisir lui-même sa vérité, il y a peu de chances pour qu’il se trompe ».
Et Damien de compléter par son analyse : « on a tort de ne pas laisser la liberté et l'opportunité aux gens de se former ».