Hind Hamzeh-CognasseIngénieure de recherche
Hind Hamzeh-Cognasse est née à Lyon, et depuis ses plus jeunes années, elle sait ce qu’elle veut faire : de la biologie ! Son parcours l’invitera à rejoindre Saint-Etienne où elle exerce le passionnant métier d’ingénieure de recherche au laboratoire SAINBIOSE (SAnté INgéniérie BIOlogie St-Etienne, U1059 en cotutelle entre l’Université Jean Monnet, l’Inserm, Mines St-Etienne, et en partenariat renforcé avec l’EFS).
Du Rhône à la Loire, la biologie comme objectif
Originaire de Lyon, Hind a toujours aimé les sciences, et en particulier la biologie. C’est un enseignant de biologie de collège qui lui fait prendre conscience que c’est ce qu’elle souhaite faire dans la vie.
A partir de là, Hind sait qu’elle veut travailler en laboratoire. Elle ouvre alors un dictionnaire et trouve le premier mot qui la guidera sur son chemin : « laborantine ».
« Quand je disais à mes amis de collège que je voulais être laborantine, on se moquait un peu de moi ».
Les personnes qui travaillent en laboratoire avaient cette connotation de « savant fou », comme le Pr. Tournesol ou Dr Jeckyll & Mr. Hyde. Ce métier véhicule l’image du « rat de laboratoire », de l’ « intello bizarre » en marge de la société. Mais l’avis de ses camarades ne la décourage pas.
Au lycée, à l’âge où l’on commence à penser à la nécessité d’avoir de bonnes notes pour faire ce que l’on veut, Hind réussit très bien. Elle a de bons résultats en biologie, mais aussi en mathématiques, en langues…
Rapidement, les enseignants la conseillent sur son orientation. Mais les conseils qui lui sont prodigués sont empreints des stéréotypes de l’époque. Ses enseignants, souhaitant sa réussite, ont eu tendance à l’orienter vers les voies où ses notes étaient les plus satisfaisantes. Hind a de bons résultats en lettres ? Elle devrait faire enseignante de langues, plus facile pour sa future vie de famille.
Son enseignante d’anglais trouve qu’elle a des facilités en anglais ? Elle devrait devenir prof d’anglais.
Elle ne veut pas s’orienter en langues ? Alors elle devrait aller vers la biologie, une branche où l’on envoyait plus facilement les filles, plutôt que vers les mathématiques où Hind avait pourtant de bons résultats.
Une enseignante de biologie l’a cependant poussée vers son souhait en lui conseillant la fac.
Même son médecin de famille a tenté de la convaincre d’entrer en fac de médecine mais Hind sait ce qu’elle veut. Son souhait s’est développé et de laborantine, elle veut maintenant être chercheuse !
Hind débute son cursus universitaire à la Doua en microbiologie, spécialité bactériologie. Suite à ces études, le laboratoire de Lyon n’a pas de contrat doctoral à lui proposer, elle devra donc prospecter ailleurs. Elle rencontre à Lyon un doctorant stéphanois, qui lui conseille de contacter le Pr. Pozzetto au laboratoire de bactériologie et virologie de l’hôpital nord de Saint-Etienne. Le Pr. Pozzetto n’a pas non plus de bourse de thèse pour Hind, mais son collègue, le Pr. Genin, spécialisé en immunologie, lui propose une thèse, à Saint-Etienne.
Cette thèse en immunologie et biologie cellulaire est d’ailleurs le théâtre de sa rencontre avec un autre doctorant qui deviendra son mari.
Suite à ce doctorat, Hind passe le concours de la fonction publique et intègre le laboratoire GIMAP (Groupe sur l'Immunité des Muqueuses et Agents Pathogènes) en tant qu’ingénieure d’étude où elle restera durant 16 ans. Elle est alors spécialisée en biologie plaquettaire. Hind sait qu’elle est surqualifiée pour ce type de poste mais le sujet lui plaît, et elle souhaite vivement intégrer ce laboratoire, qui lui permet d’ailleurs de rester sur Saint-Etienne, où son mari est en poste à l’EFS (Etablissement Français du Sang).
Elle accèdera en 2015 au poste d’ingénieure de recherche puis rejoindra enfin le laboratoire SAINBIOSE en 2021 dans la même spécialité, à l’interface entre biologie des plaquettes, immunologie et bactériologie.
Aujourd’hui, Hind a à cœur son travail à l’Université. « C’est grâce à l’éducation nationale et à ce système éducatif en recherche publique que j’en suis là, je voulais rendre à l’université ce que j’avais reçu. »
Une recherche tournée vers les patients
Le laboratoire SAINBIOSE (cotutelle entre l’Université Jean Monnet, l’INSERM, Mines Saint-Etienne et l’Etablissement Français du Sang) explore deux axes de recherche principaux. Son premier axe, historique, étudie les phénomènes physiologiques et physiopathologiques ostéoarticulaires (qui touche aux os et articulations). Le second, plus récent, s’intéresse aux vaisseaux sanguins et au phénomène d’hémostase (phénomènes physiologiques permettant d'arrêter un saignement).
C’est sur ce deuxième axe qu’évolue Hind, à travers ses recherches sur le rôle inflammatoire des plaquettes sanguines, qui participent à la coagulation. Hind et son équipe tentent de comprendre et de décrire leur participation aux phénomènes inflammatoires, en situation normale pour lutter contre une agression (comme une infection par bactérie ou virus), ou dans des pathologies où l’inflammation a un rôle important. A ces observations s’ajoute une approche centrée sur la réponse inflammatoire des plaquettes dans le processus de transfusion (pendant laquelle on observe parfois des effets indésirables chez les patients du fait de la réponse inflammatoire des plaquettes).
Hind aime comprendre les choses, et ce métier lui permet de toujours apprendre, à tel point que sa curiosité n’est jamais pleinement satisfaite. Elle nous confie le bonheur qu’elle ressent de ne jamais avoir fait le tour, qu’il y a toujours quelque chose de nouveau à apprendre, à comprendre, toujours des challenges (scientifiques, techniques, financiers humains, organisationnels…). Ce poste d’ingénieure de recherche propose une telle richesse car il est à l’interface entre des missions de chercheuse (répondre aux AAP, coacher une équipe, rédiger les articles scientifiques…) et des missions d’ingénieure plus techniques, proches des machines et des expérimentations (concevoir des protocoles d’étude).
« Il y a de la routine, bien sûr, comme partout, mais c’est quand même très varié ! »
Dans ce foisonnement de missions, certaines sont un peu moins motivantes que d’autres : chercher des financements, répondre aux appels à projets, réaliser les nombreuses tâches administratives… mais même si ce n’est pas la partie qui la réjouit le plus, Hind apprécie la variété des missions avant tout.
Elle nous explique que dans cette masse administrative, elle trouve de l’intérêt. Elle explique notamment : « on fait ça pour les patients, alors il faut qu’ils soient au courant, bien informés du protocole et du processus de recherche… Tous ces points administratifs c’est fastidieux mais c’est intéressant et indispensable ! ».
Parmi ces activités, Hind et son équipe sont aussi consultés pour participer de plus ou moins près à des études initiées par d’autres structures de recherche, souvent à l’international. Encore une occasion de rencontrer des gens nouveaux, de s’ouvrir et de se laisser surprendre par de nouveaux challenges !
Une femme de recherche
Depuis petite, Hind sait qu’elle veut travailler en biologie. Ses parents ont été un soutien important et l’ont toujours poussée à faire ce qu’elle souhaitait, quelle que soit la voie de son choix.
Quand on demande à Hind quelle voix a pesé le plus dans son orientation parmi toutes celles qui lui sont parvenues chargées de conseils, elle répond sans hésiter « la mienne. Je me suis écoutée moi ». Et malgré les mises en garde face à la réalité et la difficulté de ce parcours, Hind s’est accrochée et a poursuivi son rêve, consciente des difficultés mais persuadée de faire le bon choix.
Aujourd’hui Hind est ravie de son parcours. Sa condition féminine ne l’a pas freinée dans la réalisation de ses ambitions. Cependant, elle mesure la réalité de ces problématiques autour d’elle. Les postes à très hautes responsabilités sont souvent occupés par des hommes, et les plus gros salaires sont en grande partie reçus par des hommes. Malgré cela, Hind relève la volonté de l’Université de donner l’exemple et de progresser sur ce terrain. De nombreux postes de direction de services sont occupés par des femmes aujourd’hui, ce qui n’était pas le cas dans son souvenir, quelques années en arrière.
Elle note même avec fierté que dans son équipe, les femmes sont en majorité !
Malgré tout, Hind a tout de même pris conscience au long de son parcours de situations où ces différences se sont fait ressentir. Elle relève par exemple, lors de réunions mixtes et notamment dans des situations où les femmes sont minoritaires, la difficulté parfois rencontrée par certaines d’entre elles pour se faire entendre. Elle note aussi la tendance des femmes à n’intervenir que lorsqu’elles sont certaines de leur point de vue, à ne pas se laisser le droit à l’erreur, là où les participants masculins sont parfois plus enclins à s’exprimer librement, sans crainte.
Et ces observations sont le reflet d’une réalité mise en lumière par plusieurs études, dont celle réalisée par la Brigham Young University, qui montre que, pendant une réunion de travail, les femmes utilisent 75% moins de temps de parole que les hommes, notamment lorsqu’elles sont sous-représentées dans la réunion. Une seconde étude montre également la propension plus forte des hommes à couper la parole à une femme qu’à un autre homme.
Les femmes se censurent-elles d’elles-mêmes ? Est-ce le fruit d’une éducation orientée en ce sens ? Quel impact sur les relations professionnelles ? Les questionnements restent ouverts pour Hind, qui malgré ces observations s’enthousiasme des changements qu’elle voit apparaitre petit à petit au fil du temps.
En parallèle de son poste d’ingénieure, Hind s’engage pour la cause féminine à différents niveaux.
Professionnellement, Hind est représentante du personnel. A cette occasion, elle a suivi une formation sur la responsabilité des représentants à veiller à la mise en œuvre de la politique sur l’égalité femme-homme de l’établissement. Cela signifie veiller à tous les niveaux à l’égalité : promotions, missions confiées, recrutements, évolution de carrière… Faire le maximum pour respecter ou à défaut tendre vers cette égalité.
Personnellement, Hind explique avec le sourire être très impliquée dans la vie associative. L’une des associations, qui gère deux centres sociaux, organise régulièrement des actions autour de ces thématiques d’égalité femme-homme.
Références
Karpowitz, C. F., Mendelberg, T., & Shaker, L. (2012). Gender Inequality in Deliberative Participation. American Political Science Review, 106(3), 533-547.
Smith-Lovin, L., & Brody, C. (1989). Interruptions in group discussions: The effects of gender and group composition. American Sociological Review, 424-435.