Géologie-Anne-Magali Seydoux-Guillaume

ANNE-MAGALI SEYDOUX-GUILLAUMEVoyage au coeur des minéraux

Et si l’on pouvait devenir tout petit petit, jusqu’à l’échelle d’un atome, pour comprendre ce qui se passe à l’intérieur des minéraux ? Ce voyage dans le monde de l’infiniment petit, Anne-Magali Seydoux-Guillaume, le fait au quotidien au sein du Laboratoire de Géologie de Lyon Terre, Planète, Environnement (LGL-TPE).

Directrice de recherche au CNRS, Anne-Magali Seydoux-Guillaume est minéralogiste. Dans les sciences de la Terre, la plupart des chercheurs passent une grande partie de leur temps sur le terrain. Anne-Magali, elle, est spécialisée en minéralogie « expérimentale » et c’est dans son laboratoire que se fait l’essentiel de sa recherche. Mais contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, à l’intérieur de ce laboratoire et grâce à des équipements technologiques de pointe, elle voyage chaque jour dans le temps et l’espace, étudiant des minéraux vieux de plusieurs millions ou milliards d'années et venant de différents endroits de notre planète.

Saint-Etienne, Clermont-Ferrand, Postdam, Münster, Toulouse, Saint-Etienne : la boucle est bouclée

Cette passion pour les minéraux et les roches est venue très tôt, dès le collège et la découverte de la géologie et des volcans en 4ème. « Je ramassais des cailloux et les apportais à mon prof d’SVT » confie-t-elle amusée.

Elle part naturellement sur un bac Scientifique, puis démarre une année de classe préparatoire à Lyon. A l’issue de cette année, elle décide de partir en DEUG de Biologie-Géologie sur Saint-Etienne où elle vit depuis l’âge de 8 ans. Souhaitant poursuivre dans le domaine des volcans, elle continue en Licence, Maîtrise et DEA à Clermont-Ferrand. Mais le travail sur les volcans ne correspond pas à ce qu’elle s’était imaginée et lors d’un cours de thermodynamique, elle va définitivement opter pour la minéralogie "expérimentale". Grâce à de nombreux stages d’été qu’elle effectuera au cours ses études, elle perfectionne ses connaissances et son expertise.

Une équipe de recherche allemande travaillant sur le même sujet qu'elle, c’est en Allemagne, au GFZ-Potsdam, en association avec l’Université Technique de Berlin et en co-direction avec son professeur de Clermont-Ferrand, qu’Anne-Magali poursuit en thèse.
C’est là, lors de son doctorat, qu’elle découvre un outil qui va avoir une grande importance dans sa recherche : le microscope électronique en transmission. Habituellement, cet outil est utilisé plutôt en physique et en chimie mais il va avoir un rôle capital en minéralogie. « Je vais regarder à très petite échelle ce qui se passe pour essayer d’isoler des informations qui sont masquées à grande échelle et qui peuvent nous apprendre des choses sur les phénomènes terrestres ou planétaires » explique-t-elle.

Lors de ces années en pays germanique, elle va tester différentes températures et compositions de fluide, pour étudier la manière dont un minéral (la monazite) va réagir et imaginer les répercussions sur sa datation. Si les premiers mois ont été un peu difficiles, avec l’éloignement et une pratique de la langue allemande qu’elle avait eu seulement dans le secondaire et qu’elle a tenu à utiliser au quotidien à l’oral, ses années en Allemagne ont été de très belles années. La preuve en est qu’elle poursuivra encore deux ans, après la soutenance de thèse en 2001, par un post-doc à Münster.

Recrutée au CNRS en 2003  elle revient en France en tant que chargée de recherche au laboratoire Géosciences Environnement Toulouse (GET). Pendant douze ans elle va poursuivre la minéralogie expérimentale et étudiera également les propriétés de la monazite dans le cadre de la problématique du stockage des déchets nucléaires.

En 2015, le mari d’Anne-Magali étant recruté en tant professeur d’université au sein de l'actuel LGL-TPE de l’UJM, elle intègre par mutation  ce même laboratoire.

Travaux actuels et équipements de pointe

Anne-Magali travaille sur des minéraux radioactifs comme le zircon, minéral le plus ancien jamais daté sur Terre, à 4,4 milliards d’années, et la monazite. Ces deux minéraux contiennent de l’uranium et du thorium. Au fil des années, l’uranium (ou le thorium) contenu dans le cristal va se désintégrer jusqu’à devenir du plomb. « Connaissant la constante de désintégration, on peut donc remonter le temps, savoir à partir de quand le minéral s’est formé, et donc à partir de quand la roche le contenant s’est formée et ainsi, comprendre et dater tous les phénomènes géologiques » explique-elle.

Si la datation fait partie de sa recherche, elle s’en sert surtout pour comprendre ce qui a pu arriver aux minéraux. «Si le cristal n’est pas perturbé, on travaille dans un système fermé : l’uranium devient plomb et on aura l’âge de formation du minéral. Par contre, il peut y avoir des perturbations induites par des déformations liées à la tectonique, des impacts de météorites, de l’altération par des fluides... Dans ce cas-là, il y a une ouverture du système, on perd le plomb et cela fausse la datation. Si on a tout perdu lors de cet événement, on dit que l’on remet à zéro, comme un chronomètre, et donc on datera le phénomène qui a perturbé ».

L’étude des impacts de météorites sur les minéraux fait d’ailleurs partie d’une recherche collaborative très récente, en particulier avec le laboratoire Hubert Curien. Ce laboratoire de l’UJM a parmi ses nombreux axes de recherche, celui d’utiliser le laser pour changer la structure des matériaux. L’utilisation de ce laser de haute technologie, laser femtoseconde, va permettre de simuler des impacts de météorites permettant à Anne-Magali d’étudier les transformations subies par le minéral. Peu d’impacts de météorites ont pu être datés précisément à ce jour or une datation permettrait de préciser l'histoire de la formation de la Terre, l'évolution du système solaire, mais aussi les liens possibles entre impacts et changements dans les géosphères et la biosphère, le changement climatique et l’origine de la vie.

Laser femtoseconde, microscope électronique à transmission, sonde atomique tomographique, des outils de pointe permettant de faire évoluer la recherche en minéralogie de manière assez spectaculaire.



Cristal de monazite (de structure simplifiée, CePO4) vu au MET à haute résolution qui a subi un choc de très haute pression lors de l'impact d'une météorite (cratère d'Afrique du Sud, Vredefort). Notez la différence dans l'organisation atomique du cristal entre la partie basse très ordonnée, et la partie haute, totalement désordonnée par le choc de l'impact.


 

Un métier alternant autonomie et collaboration


Crédits photo Pierre Grasset
« Ce qui me plaît surtout c’est de faire les « manips ». On s’extasie sur ce que l’on voit. Quand je vais « maniper » la journée au microscope c’est le bonheur total »
confie Anne-Magali enjouée. Mais elle aime aussi voyager, que ce soit pour travailler avec des chercheurs en France ou à l’étranger, ou échanger lors de colloques. « C’est important parce que ça fait partie de notre travail et c’est à chaque fois fructueux, cela permet de monter des collaborations ».

En tant que femme, elle n’a jamais douté de ses capacités à pratiquer cette profession mais elle concède qu’étant mère, il est parfois compliqué de faire ce métier passionnant mais très prenant.
Si elle devait donner un conseil aux jeunes générations qui s’intéresseraient à son métier, ce serait d’être motivé et passionné et de ne pas négliger l’importance de savoir rédiger et de maîtriser la langue anglaise.
Et oui, être chercheur, c’est aussi rédiger de nombreux rapports pour obtenir des financements pour mener sa recherche, et des publications en s’adressant à des collègues français et internationaux.

Un effort à fournir pour pouvoir entreprendre ce voyage passionnant au cœur des minéraux.