Anne-Céline CALLENSFaire parler les images
« Quand je vois à quel point la société est régie par l’image, c’est important de savoir la comprendre, la décrypter ».
Rien ne prédisposait Anne-Céline Callens à devenir maître de conférences en Sciences de l’Art.
Avec un bac S en poche, elle se voit bien intégrer une école d’architecture. Son dossier de candidature n’est pas retenu, et Anne-Céline s’inscrit en licence d’Arts Plastiques à l’Université Jean Monnet.
C’est véritablement au cours de sa 3ème année de Licence, et à fortiori, lors de sa première année de Master arts plastiques et sciences de l’art, qu’elle se passionne pour cette discipline. Il y a deux domaines bien précis dans les arts plastiques : la théorie et la pratique. Partant du constat qu’il est compliqué de théoriser sa propre pratique, de prendre la distance nécessaire, elle choisit la théorie.
Mais attention, une théorie basée sur des objets concrets. « J’aime ce rapport à l’objet » affirme-t-elle.
C’est sûrement pour cela que durant ses deux années de master, elle travaille dans une galerie d’art stéphanoise permettant d’enrichir chaque jour ce rapport concret avec les œuvres. «Aujourd’hui, je ne m’arrête plus à l’étude de l’objet d’art, n’importe quel objet mérite d’être étudié » explique-t-elle.
Anne-Céline obtient son master et c’est là qu’une magnifique opportunité lui est proposée : une thèse financée sur l’étude du fonds Paul-Martial, conservé au musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole.
Ce fonds d’archives d’une entreprise d’édition publicitaire spécialisée dans l’industrie est un véritable challenge pour cette étudiante.
Ayant jusqu’à présent fait ses armes sur la peinture et le dessin, il lui faut se lancer dans l’étude de quelques
3 000 photographies sur l’industrie de l’entre-deux guerres. Après avoir passé l’été 2011 à se mettre à jour sur l’histoire de la photographie, elle peut commencer cette thèse.
Travailler sur ce genre de clichés demande de faire appel à des sources différentes : historiques pour comprendre le contexte, techniques pour comprendre le fonctionnement des machines, sociales pour comprendre la société de l’époque, artistiques pour décrypter l’image.
Les découvertes aussi entretiennent ses questionnements et une en particulier. Alors qu’elle part consulter les fonds de la Bibliothèque Nationale de France afin de pouvoir mener une étude comparative, elle tombe sur 13 000 négatifs des éditions Paul-Martial, jamais inventoriés. Un vrai trésor ! Une mine qui lui permet d’enrichir le travail commencé sachant que le fonds Paul-Martial était déjà, en soi, une découverte concrète, un fonds jamais étudié, à défricher.
Et hop, la BNF invite Anne-Céline à rester un an à Paris en tant que chercheure invitée.
Ce fonds symbolise cette période de l’entre-deux guerres durant laquelle est née la publicité. Les entreprises devaient écouler leurs stocks et trouver des moyens pour se faire connaître. Le visuel devient de plus en plus important, on ne mise plus uniquement sur un nom. La publicité devient créative, inventive et les graphistes qui créent ces visuels publicitaires s’inspirent de l’art moderne et de ses différents courants.
Durant sa thèse, Anne-Céline peut compter sur le soutien de deux femmes en particulier : Danièle Méaux, sa directrice de thèse et directrice du CIEREC (Centre Interdisciplinaire d’Études et de Recherche sur l’Expression Contemporaine) et Martine Dancer, Conservateur au MAMC+, en charge des collections photographiques. Des rencontres décisives dans le parcours de cette doctorante qui s’est prise de passion pour son sujet.
Soutenue en septembre 2016, cette thèse va être valorisée puisqu’avec l’aide du laboratoire Hubert Curien, le fonds des éditions publicitaires Paul-Martial va être numérisé par le CIEREC et mis en ligne sur une plateforme collaborative permettant à tous de contribuer à la recherche. « Pouvoir partager, c’est important » souligne Anne-Céline qui sera embauchée à la suite de sa thèse en tant qu’attachée de conservation du patrimoine et chargée de mission scientifique au MAMC+ où elle est notamment chargée de la coordination d’une exposition en Chine.
Une place qu’elle occupera jusqu’à son recrutement en tant que Maître de Conférence en Science de l’Art à l’UJM en 2017. « C’est un métier stimulant », « On ne sait jamais où cela va nous mener » confie-t-elle.
Aujourd’hui, nous sommes tous conditionnés par l’image. Consciemment ou non, nous achetons tel produit parce que le packaging nous attire, parce que l’affiche a retenu notre attention. Les politiciens ont d’ailleurs bien compris le pouvoir de l’image pour influer sur les pensées des gens. Il est donc important que des personnes, comme Anne-Céline, nous aident à travers leurs recherches à prendre le recul nécessaire sur cette instrumentalisation de l’image… « Quand je vois de quelle manière la société est régie par l’image, c’est important d’apprendre à la décrypter » conclue-t-elle !